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de l’Europe où sont tracées les lignes passant par les points où l’on constate la même pression barométrique, corrigée de l’effet de la température et de l’altitude, c’est-à-dire ramenée à ce qu’elle serait à la température de zéro et au niveau de la mer. Ces lignes, appelées isobarométriques ou isobares, parlent aux yeux, et nous verrons qu’elles fournissent de précieuses révélations. Le baromètre est la première et la plus utile de toutes les pièces de l’arsenal météorologique; c’est la sonde avec laquelle nous explorons de bas en haut le grand océan aérien dont nous habitons les profondeurs.

De toutes parts en Europe, on s’est lancé dans cette voie nouvelle de la météorologie synoptique; le Meteorological Office de Londres, l’Institut météorologique de Vienne, les habiles observateurs scandinaves placés comme des sentinelles avancées sur la route ordinaire des tempêtes que l’Atlantique nous envoie, l’Observatoire central de l’empire turc, qui nous renseigne sur la région comprise entre Trébizonde, sur la Mer-Noire, et Fao, sur le Golfe-Persique, les Anglais dans l’Inde, les Russes dans les profondeurs du continent asiatique, tous à l’envi assiègent le sphinx météorologique et finiront par lui arracher ses secrets. Déjà le problème de la prévision du temps, revenu à l’ordre du jour, ne provoque plus les sourires ironiques qui l’accueillaient jadis; déjà depuis plusieurs années les physiciens de l’Observatoire de Paris signalent chaque jour pour les vingt-quatre heures qui vont suivre la direction et la force moyennes du vent sur toute l’étendue de notre littoral, et comme des vigies attentives annoncent aux marins l’approche du mauvais temps.

Ils se renferment encore dans une sage réserve à l’égard des prévisions qui s’étendraient à une année ou même à une saison tout entière. Néanmoins dans quelques cas, rares encore, un coin du voile qui nous dérobe les perspectives de l’avenir peut être soulevé; c’est ce que montrent quelques prévisions plus hardies justifiées par les faits, et qui, bien que timides et hésitantes jusqu’ici, prendront des allures plus décidées le jour où le développement des communications télégraphiques nous permettra de lire l’état de la situation atmosphérique sur une portion plus étendue de la surface terrestre.


II.

L’opinion généralement accréditée que rien n’est plus capricieux que le vent se manifeste à chaque instant dans le langage vulgaire, et rien ne paraît mieux démontré que l’inconstance et l’incertitude des mouvemens de l’air. Cependant, à mesure que s’étendait le rayon des expéditions maritimes, l’existence des courans à peu près constans se révélait aux marins; on sait la surprise mêlée d’effroi que la persistance des alizés nord-est inspira aux équipages de Christophe