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d’Ampère et de Faraday connaît au moins le télégraphe électrique, et demeure par cela seul convaincu que la science de l’électricité est une belle chose, et que ceux qui la cultivent sont dignes de tous ses respects. Or, quand on demandait à la météorologie quels étaient ses titres à la reconnaissance publique, elle n’avait à produire que des résultats de nature à laisser dans l’esprit des masses une fort médiocre impression. En vain se prévalait-elle des notions qu’elle avait fournies sur les climats du globe, sur les causes de la répartition des sources des richesses et du développement inégal des grandes agglomérations humaines qui en est la conséquence, des clartés qu’elle avait répandues sur l’histoire de la civilisation, si étroitement liée aux influences climatériques, en vain exhibait-elle ses colonnes de chiffres, ses statistiques, ses moyennes, le réseau des lignes figuratives dont elle avait sillonné la mappemonde; tout cela comptait pour peu de chose, car elle restait muette devant cette terrible question sans cesse posée par les utilitaires : pouvez-vous prédire le temps?

Ce fatal problème a exercé longtemps sur les destinées de la météorologie une très fâcheuse influence. Il a été pour beaucoup dans le discrédit qui s’est attaché à cette science dans l’opinion des savans et des gens du monde. Séduits par l’appât de la gloire bruyante et probablement rémunératrice qui n’aurait pas manqué de rejaillir sur l’auteur d’un système satisfaisant de prévision, un grand nombre d’adeptes de la météorologie ont méconnu le précepte évangélique qu’on peut formuler ainsi à l’usage des savans : cherchez la vérité pour elle-même, et le reste vous sera donné par surcroît. Pressés de trouver, coûte que coûte, une solution à un problème si longtemps insoluble, ils ont abandonné les lentes, mais sûres méthodes de la science, pour entrer dans la voie d’un empirisme souvent naïf; ils ont voulu voler avant d’avoir des ailes, et leurs lourdes chutes, tout en égayant les spectateurs, ont rabaissé la météorologie aux yeux de la partie sérieuse du public. Puis sont venus les almanachs prophétiques; ici la science a servi d’enseigne à la spéculation, et après une si fâcheuse aventure on ne saurait s’étonner de voir sa réputation encore plus compromise. Tel était le discrédit attaché à ces tentatives de prévision que peu s’en est fallu que cette question ne prît rang parmi les célèbres problèmes dont l’Académie des Sciences déclare ne plus vouloir s’occuper : le mouvement perpétuel, la quadrature du cercle, la trisection de l’angle; Arago a pu même proclamer hautement, sans soulever aucune protestation, que jamais un savant « jaloux de sa réputation » ne se hasarderait à prédire le temps. Une sentence si absolue, formulée par un homme revêtu d’un tel prestige scientifique, semblait devoir réduire au silence tous les prophètes de la météorologie; mais l’absolu n’est pas