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terrains employés qu’au bout de trente années, la durée du cimetière serait de cent quarante et un ans; elle serait au contraire de quatre siècles, si les tombes étaient rouvertes au bout de dix ans. Pour parvenir à ce résultat, qui fonderait une ville des morts en proportion avec notre ville des vivans, il manque 313 hectares; il est facile de les acheter. En se mettant à l’œuvre aujourd’hui même, il faudra au moins trois ans pour approprier les terrains de Méry-sur-Oise, y établir les bâtimens, les plantations indispensables, construire le chemin de fer, et nous savons que dans trois ans nos cimetières ne pourront recevoir un mort de plus.

Le trajet de Paris à Méry-sur-Oise ne durera pas une heure, et l’administration devra décider si elle fera elle-même un chemin de fer rigoureusement réservé aux convois funèbres, ou si elle aura avantage à prendre des arrangemens avec une compagnie déjà existante. On ira plus loin qu’aujourd’hui, mais les déplacemens seront moins longs, et les « services » gratuits seront gratuitement transportés. La population finira par s’accoutumer à ce déplacement, que la force des choses rend nécessaire; le texte de la loi, la salubrité de Paris, le respect des morts, l’exigent; toute autre mesure ne serait qu’un expédient. Cependant il est bon de prévoir une difficulté et d’aviser aux moyens de la vaincre. Comment transportera-t-on à 22 kilomètres de Paris et ramènera-t-on ici dans la même journée la foule qui visite pieusement nos cimetières? Les diverses administrations de nos voies ferrées nous ont souvent accoutumés à des tours de force, et nous ne devons pas douter qu’en cette circonstance elles ne satisfassent à l’une des coutumes les plus respectables et les plus touchantes de la population. Celle-ci aime ses morts et va les voir; si elle ne trouve pas toute facilité à cet égard, elle sera mécontente, et aura raison de l’être. On a fait des relevés très instructifs. Du 1er au 7 décembre 1873, on a compté le nombre des convois et des individus qui sont entrés dans les cimetières parisiens : 752 convois escortés par 21,418 personnes en ont franchi les portes, et 46,617 visiteurs isolés sont venus près de la tombe de ceux qu’ils ont perdus. Les cinq premiers jours ont été brumeux, le lundi cependant accuse 6,837 visiteurs; le temps se met au beau le samedi, se maintient le dimanche, et ce dernier jour donne un total de 24,320. Il faut compter qu’en moyenne le nombre des visiteurs quotidiens est de 8,964 en hiver et de 11,245 en été; mais cette moyenne est dépassée dans d’énormes proportions à certaines époques solennelles : à la fête de la Toussaint par exemple, et au jour des Trépassés qui la suit. Dans la même année 1873, il plut pendant ces deux journées, et le chiffre des personnes qui visitèrent les morts de nos cimetières a dépassé 370,000. Le danger d’un tel