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aux riches d’étonner les foules, de faire brûler des lampadaires à l’alcool sous la nef des églises, et d’avoir des cercueils capitonnés de satin blanc; ce n’est qu’une affaire d’argent. Tout se paie, jusqu’à la rosette en crêpe que l’on peut attacher au fouet du cocher; mais ce qu’il faut considérer, c’est que le pauvre ne paie rien. La dernière adjudication pour l’entreprise des pompes funèbres a eu lieu le 1er janvier 1860. Par le cahier des charges, le service est divisé en neuf classes : la première coûte 7,184 francs, et la neuvième 18 fr. 75 cent. ; entre ces deux extrêmes, il n’est si grosse vanité ou si mince situation qui ne trouve ce qui lui convient. Toutefois, si l’on permet à l’entreprise de faire des bénéfices excessifs, c’est à des conditions qu’il est bon de faire connaître. La ville, en vertu de ce contrat synallagmatique, paie à l’entrepreneur 5 francs par corps inhumé dans les cimetières de Paris ; de ce seul chef, l’administration des pompes funèbres a touché en 1873 la somme de 217,990 francs, représentant 43,578 inhumations; mais l’entrepreneur doit faire remise, aux représentans des cultes reconnus, de 56 pour 100 sur toute somme encaissée par lui. Or, pour 1873, cette remise équivaut à 1,709,350 fr. 38 c., dont 1,620,715 fr. 23 c. ont été versés au seul culte catholique. En outre les pompes funèbres sont tenues de faire gratuitement le convoi de tout individu indigent dont la famille ou la succession ne peut acquitter les frais portés au tarif d’une des neuf classes désignées. C’est là une charge pesante, car le nombre des inhumations gratuites est singulièrement plus élevé que l’on n’imagine, et en 1873 il a été de 25,017, tandis que celui des inhumations payantes n’a été que de 18,561. Dans le système adopté, les riches paient pour les pauvres, et l’impôt funèbre fournit aux besoins du culte dans les églises, les temples et les synagogues.

Pour subvenir d’une façon régulière aux exigences d’un service qui représente plus de cent enterremens par jour, les pompes funèbres possèdent un matériel important et un nombreux personnel. On doit avoir en provision prévue les tentures, les chevalets, les candélabres, les coussins, les bénitiers, en un mot tous le objets nécessaires à l’appareil usité; en outre 6,000 voliges, — bières en sapin, — sont en réserve à l’administration centrale, sans compter le dépôt obligatoire dans chacune des mairies de nos vingt arrondissemens, et le magasin de chênes ou cercueils de luxe qui peuvent être demandés pour des inhumations de classes supérieures. 585 agens de toute sorte, 570 voitures corbillards, chars, berlines de deuil, fourgons à tenture, 270 chevaux suffisent à parer aux éventualités d’une mortalité normale; si par hasard on manque de chevaux, on en loue à la Compagnie générale des petites voitures