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et à 20 francs celle des adultes. Ce que furent les convois, on peut se le figurer. Tous les corps étaient portés à bras, et plus d’une fois les brancards stationnèrent à la porte des cabarets. Cela dura jusqu’à l’avènement de Frochot à la préfecture de la Seine : nul magistrat ne fit peut-être plus que lui pour la ville de Paris; mais il faut reconnaître que, lorsqu’il arriva, tout était à faire. Il remit d’abord le soin des cérémonies funèbres à un entrepreneur désigné dans chaque arrondissement, puis bientôt, dès l’an IX, à un entrepreneur-général qui devait centraliser le service. Le décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804), qui reconnaissait aux fabriques des églises catholiques, aux consistoires protestans et Israélites, le droit de faire « les fournitures d’enterrement, » amena un conflit entre le clergé et l’entrepreneur. De gros intérêts étaient en jeu, la querelle menaçait de s’aggraver; un homme qui aimait à être obéi intervint et mit fin à toute dispute. L’empereur accepta un entrepreneur unique, privilégié, responsable, mais il lui imposa un cahier des charges qui l’obligeait à remettre aux représentans des cultes reconnus une part considérable, plus de la moitié, de l’argent qu’il aurait à recevoir. L’affaire restait exceptionnellement fructueuse pour tous les ayant-droit, et chacun eut le bon esprit de se montrer satisfait. Cette affaire tenait au cœur de Napoléon, car il y revint plus tard, et la régla minutieusement lui-même par le décret du 18 août 1811, qui divisait tous les services funèbres en six classes; la première coûtait 4,282 francs, la sixième 16 francs.

L’organisation imaginée par Frochot, adoptée par Napoléon Ier, et qui n’était, sous une forme plus moderne et surtout plus démocratique, qu’un retour à la vieille institution des crieurs-jurés, subsiste encore. Tavernier raconte naïvement dans ses voyages qu’ayant été obligé de faire enterrer son frère, mort aux Indes, il s’était promis de bien soigner sa santé parce que cela coûtait fort cher d’être inhumé dans ces pays-là. Que dirait-il donc aujourd’hui à Paris? L’entreprise des pompes funèbres a tous les inconvéniens des monopoles, mais elle compense ceux-ci par des avantages où la ville, les cultes et les gens pauvres trouvent leur bénéfice. A y bien regarder, le service funèbre, constitué tel qu’il l’est aujourd’hui, est un impôt somptuaire très onéreux, mais levé seulement sur ceux qui s’y soumettent, beaucoup sans doute par respect pour les morts qu’ils regrettent, et un peu aussi, avouons-le, par vanité. Écoutez les curieux qui regardent passer un corbillard drapé, empanaché de plumes d’autruche, traîné par quatre chevaux caparaçonnés, tenus aux mains des valets de pied, suivi par des maîtres de cérémonie qui portent c les honneurs » sur des coussins de velours noir; que disent-ils? « C’est un bel enterrement! » Il est permis