delawares en 1682. Plus tard, le roman a initié les profanes à ces sortes de choses, sur lesquelles Cooper ne raconte que l’exacte vérité. Les Peaux-Rouges ont un penchant décidé pour l’art oratoire, et recherchent toutes les occasions de faire une harangue. Ce besoin de parler est inhérent à l’espèce humaine, et l’on retrouve la coutume de la palabre chez les nègres de l’Afrique, chez les indigènes de Madagascar, chez les Polynésiens. « Envoie-moi un grand parasol rouge, le plus grand que tu pourras trouver, sous lequel on puisse palabrer et même conspirer à l’aise, » écrivait à l’un de ses correspondans de Paris un chef nègre de la côte d’Afrique. Chez les nations civilisées, le parlement a remplacé la palabre des sauvages. A chaque événement de quelque importance, déclaration de guerre, signature d’un traité, translation d’un campement, départ pour une grande chasse, élection d’un chef, souvent pour des raisons moins sérieuses, les tribus indiennes tiennent un pow-wow. Il est des tribus bavardes où l’on parlemente sur le moindre sujet; il en est peu où l’on ne tient conseil que dans les grandes occasions. C’est une école utile pour les jeunes braves qui veulent se former à l’éloquence, et qui ne réuniraient jamais à l’élection les suffrages de leur bande, s’ils n’étaient pas en même temps aussi bons orateurs que guerriers intrépides.
Bien que beaucoup de sachems aient au plus haut point le don d’improviser, leurs discours sont généralement préparés d’avance. Ils en étudient soigneusement le sujet, en disposent les preuves d’après les règles de l’art de bien dire, qui sont les mêmes partout. La nature est ici maîtresse et non les livres; c’est au plus si les vieux orateurs donnent aux jeunes quelques leçons. La pose, le débit, le geste, laissent rarement à désirer, alors que chez les peuples policés certains avocats en renom auraient tout à apprendre de ce côté. Le sauvage retient de mémoire l’ordonnance de son discours, et, quand il parle devant les blancs, s’arrête à chaque phrase pour laisser à l’interprète le temps de traduire; cela ne le gêne nullement : on dirait qu’il récite par cœur; nul trouble, nulle hésitation. Quelquefois, quand il s’agit de discours importans, l’orateur est aidé par les agens et les interprètes, qui lui soufflent ce qu’il doit dire, j’entends qui lui conseillent de parler dans tel sens, d’arriver à telle conclusion, à laquelle les uns et les autres sont le plus souvent également intéressés. « Demain matin, ne venez pas voir les sauvages, me dit un soir M. Beauvais; je leur fais répéter le discours qu’ils vont prononcer au Cooper-Institute. »
Toutes les harangues des Peaux-Rouges sont composées sur le même moule, formées de phrases courtes, hachées, sans périodes, procédant par alinéas distincts, à la façon de celles qu’Homère prête