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C’est la main d’un artiste aussi qui a diversifié par les combinaisons de l’appareil l’aspect de ce soubassement en briques sur lequel reposent toutes les faces de l’édifice, ou qui a dessiné, ici les divisions en compartimens réguliers de l’espace compris entre les arcades et les toitures, là les barreaux croisés ou parallèles entre lesquels l’air et la lumière pénètrent dans l’intérieur de chaque marché. En un mot, soit qu’on en considère l’ensemble, soit qu’on en étudie les détails, les Halles centrales apparaissent comme le spécimen le plus achevé, comme le type par excellence de l’architecture appartenant en propre au temps où nous vivons : architecture issue de nos besoins mêmes et de nos idées modernes, architecture vraiment nouvelle, dont on pourrait ailleurs, dans quelques gares de chemins de fer par exemple, trouver le pressentiment et jusqu’à un certain point la promesse, mais qui ne s’était encore, qui ne s’est depuis lors manifestée nulle part sous des formes aussi caractéristiques ni aussi judicieusement expressives.

Nous avons cru devoir insister sur ce qui se rattache à la construction des Halles de Paris, parce que cette grande œuvre marque à la fois dans la biographie de l’artiste et dans l’histoire de son talent un moment principal. Mieux qu’aucune autre, elle résume et met en relief les mérites particuliers de Baltard, cette ouverture et en même temps cette rectitude d’esprit qui le poussaient aux innovations en le préservant des aventures, cette aptitude singulière à trouver le secret du beau dans une saine appréciation de l’utile, la grandeur ou l’élégance de la composition dans la simplicité même des moyens. Suit-il de là que, de tous les autres monumens dus à l’architecte des Halles, aucun ne saurait suffire pour lui assurer une place parmi ceux de ses confrères dont les noms survivront à notre époque? Une pareille conclusion serait injuste. Les Halles nous semblent à tous égards l’œuvre la mieux réussie de Baltard, mais il a prouvé ailleurs, avec moins d’éclat il est vrai, avec moins d’égalité surtout dans les inspirations générales ou dans les procédés d’agencement partiels, qu’il n’était au-dessous d’aucune tâche, si difficile, si impraticable même en apparence qu’elle fût.

Ainsi, comment ne pas reconnaître les obstacles qu’il a eu à vaincre et les témoignages d’habileté qu’il a donnés dans la construction de l’église de Saint-Augustin? Le terrain sur lequel l’édifice devait s’élever avait à peu près la forme d’un éventail, et, pour se conformer aux prescriptions de l’édilité parisienne, il fallait, en bâtissant cette église, subordonner la direction des murs extérieurs à colle des deux voies obliques percées d’avance sur ses flancs, la largeur de la façade à l’étroit espace compris entre ces deux voies, un peu avant le point où elles convergent. De là, dans les dispositions intérieures, l’obligation pour l’architecte de remédier à ce défaut