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s’agissait de peines pouvant avoir quelque effet civil. Le conseil national se refusa à une définition si juste, qui laissait aux pénalités ecclésiastiques leur caractère exclusivement religieux. M. Anderwert, député de Thurgovie, avoua sans détour «qu’il s’agissait d’empêcher dans l’église catholique les abus de pouvoir de la part des évêques, savoir la destitution des curés qui ne veulent pas accepter certains dogmes, et l’excommunication des prêtres et des fidèles qui sont dans le même cas. » Une telle prétention est tout à fait inadmissible. Empêcher une église de protéger sa croyance et d’écarter de son sein les opinions qui nient son principe, c’est lui interdire le droit de légitime défense, c’est dissoudre en fait une association en l’empêchant de maintenir sa raison sociale, qui dans ce domaine est toute morale. Il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas seulement des églises nationales, puisque la confédération comme telle n’en reconnaît aucune; cette clause est applicable à toutes les associations religieuses, et elle constitue une atteinte des plus graves à la liberté des cultes. C’est en vain que M. Cérésole, parlant au nom du conseil fédéral, a fait les plus grands efforts dans les deux chambres pour écarter une disposition qui dépare la loi nouvelle. En adoptant la rédaction restrictive de la commission, on a donné gain de cause au radicalisme autoritaire, qui s’est exprimé dans toute sa rudesse par la bouche de M. Carteret, conseiller d’état de Genève. « On a parlé, disait cet orateur, de séparation du domaine civil et du domaine religieux; mais cette séparation est absolument impossible, et dès lors il n’y a de système admissible que celui d’après lequel l’état, usant de la suprématie qui lui appartient, règle en vertu de sa souveraineté ce qui est de son domaine, et prend des mesures qui lui donnent la sécurité et garantissent la liberté de tous en assurant le développement de la civilisation. » Le conseil national n’a pourtant pas suivi dans ce premier débat le bouillant député jusqu’au bout de son système, car il a refusé d’adhérer à la proposition de M. Weissenbach, qui voulait qu’on donnât à la confédération la mission de s’opposer aux empiétemens de l’église sur les droits de l’état sans admettre la réciproque, parce qu’à ses yeux l’état ne saurait borner sa propre souveraineté. L’article fut voté sous sa forme la plus libérale dans la séance du 27 novembre, ainsi que l’ensemble des articles confessionnels avec les modifications que nous avons indiquées.

Ces articles furent portés au conseil des états dans les séances des 16 et 17 décembre 1873. Le parti autoritaire y était représenté par l’ancien landamman Keller, célèbre pour avoir provoqué la fermeture des couvens d’Argovie, petit vieillard énergique, à la parole brève et incisive, passionnément attaché au vieux-catholicisme. Le