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aux documens soumis au conseil fédéral. Les ultramontains se posent constamment sur le terrain d’une indépendance absolue vis-à-vis de l’état, comme si les définitions du pouvoir épiscopal par le concile de Trente et le droit canon devaient échapper au contrôle des gouvernemens. Cette argumentation n’aurait de valeur que pour une église séparée de l’état, elle serait irréfutable dans la bouche des évêques catholiques en Amérique et en Angleterre. Il n’en est pas de même des églises que les gouvernemens soutiennent de leurs subsides. Il faut que la société religieuse paie la rançon de sa liberté totale en se suffisant à elle-même et en se passant du prestige officiel. Ce n’est que dans ce régime que l’on trouve le secret de la paix religieuse et que l’on évite la contrainte ou les conflits. Il ne s’ensuit pas que tout soit permis au pouvoir civil du jour qu’il a conclu un traité avec une église, et qu’il puisse revendiquer, comme le fait la vice-présidence de la conférence diocésaine dans sa réponse au recours de M. Lachat, une suprématie absolue sur la société religieuse. Ce qui lui est interdit en tout cas, c’est de pousser ses exigences jusqu’au point où elles sont incompatibles avec le principe constitutif de l’église qui est entrée en relation avec lui. Or il est certain que, sous peine de rompre avec le centre de l’unité catholique, un évêque est tenu d’enseigner le dogme proclamé au dernier concile. C’est donc le catholicisme romain en soi que la conférence diocésaine frappait directement, et prétendait exclure du partage des bénéfices résultant de l’union des diverses églises avec l’état.

La révocation de M. Lachat est devenue définitive après que le conseil national eut écarté l’appel de l’évêque. Elle a eu les conséquences les plus graves dans le Jura bernois. On a vu que ce territoire, presque entièrement catholique, avait été détaché de l’ancien évêché de Bâle en 1815 et annexé au canton de Berne; sa population demandait tous les ménagemens d’une minorité facilement alarmée sur ses droits. Déjà, avant les derniers conflits, d’assez graves difficultés avaient surgi entre les catholiques du Jura bernois et le gouvernement cantonal. Le collège de Porrentruy avait été rendu mixte, de confessionnel qu’il était au début. Les religieuses ursulines s’étaient vues expulsées sous prétexte d’affiliation aux jésuites. Enfin à la suite de la décision de la conférence diocésaine sur l’évêque de Bâle, le gouvernement bernois, par une circulaire du 1er février 1873, intima l’ordre aux curés du Jura de rompre toute relation avec l’évêque de Bâle. Les curés, au nombre de 69, auxquels 10 vicaires s’étaient joints, répondirent par un mémoire collectif où ils protestaient contre les mesures prises par la conférence diocésaine, ajoutant qu’ils repoussaient tout projet d’organisation du culte catholique qui n’aurait pas l’agrément du chef