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civile du clergé y fut poussé jusqu’à ses dernières conséquences. Le serment politique exigé des curés porta non pas seulement sur l’obéissance aux lois, mais encore sur l’acceptation de l’organisation du culte catholique de la république. Des conseils de paroisse et un conseil supérieur, où l’élément laïque a une part prépondérante, furent institués. Les curés peuvent être soumis à la réélection sur la pétition motivée d’un nombre déterminé d’électeurs; il est de plus décrété que jamais Genève ne pourra posséder un évêque. On ne saurait contester que le catholicisme ainsi remanié n’est plus ce qu’on a jusqu’ici connu sous ce nom; c’est en réalité, selon la formule du serment, le culte catholique de la république, c’est-à-dire une religion nouvelle quant à son organisation. Le parti radical extrême, à la tête duquel est M. le conseiller d’état Carteret, qui dans tous ces débats a montré le plus parfait dédain pour l’indépendance de la société spirituelle, aurait voulu que l’élection ne portât que sur des prêtres qui eussent rompu déjà avec Rome. Cette motion n’a pas été acceptée; elle était bien inutile, car il est évident qu’aucun prêtre rattaché à l’église catholique romaine ne peut se soumettre à l’élection là où elle n’a pas été spécialement autorisée par le pape, comme en Orient ou dans quelques paroisses de la Suisse allemande. Il n’est donc pas étonnant que les curés nommés le premier dimanche d’octobre 1872 aient tous appartenu au mouvement vieux-catholique inauguré à Genève par le père Hyacinthe. Il demeure établi que le gouvernement genevois, provoqué par les prétentions de la curie romaine, n’a pas su choisir la politique qui, tout en étant conforme aux vrais principes de la liberté religieuse et des droits de l’état, eût été la plus efficace pour vaincre son habile et ardent adversaire, alors qu’il est entré partout en guerre avec la société moderne.


II.

La crise ecclésiastique a revêtu un caractère beaucoup plus grave dans la Suisse allemande[1]. Pour le comprendre, il faut remonter à l’organisation assez bizarre qui fut donnée au culte catholique dès 1828 dans les cantons de la Suisse qui, ne pouvant à eux seuls constituer un évêché, devaient arrêter de concert le mode de nomination de leur évêque. Les cantons de Soleure, Berne, Zug et Lucerne convinrent de former un seul diocèse; les cantons de Bâle-Campagne,

  1. Voyez le rapport du département politique au conseil fédéral sur les protestations et les recours relatifs aux conflits ecclésiastiques dans l’évêché de Bâle (Verhandlungen des grossen Rathes betreffend die Ruhestörungen im Jura, Berne 1874).