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REVUE DES DEUX MONDES.

faires militaires ? Ne citait-il pas l’autre jour, en plein parlement allemand, les chiffres les plus précis sur nos forces, sur nos armemens ? Il n’en sera ni plus ni moins. Les fortifications de Paris ont eu l’étrange fortune d’être bien souvent discutées et de tromper tous les calculs, toutes les prévisions. Ainsi, lorsqu’elles ont été construites, on croyait presque qu’elles suffisaient pour décourager un ennemi de toute attaque directe contre Paris ; on était persuadé, on s’était fait cette illusion, qu’elles rendaient tout investissement impossible, et l’investissement le plus étroit, le plus invincible, s’est trouvé accompli en un jour ! Les fortifications avaient été élevées dans la pensée de préserver Paris d’un coup de main, non dans la prévision d’un siège prolongé, qu’on croyait à peine possible, — et Paris a résisté cinq mois, seul, sans un secours extérieur.

Que faut-il conclure de cette terrible expérience ? C’est là justement la question qui s’est agitée l’autre jour à Versailles. Faut-il se borner à compléter les fortifications actuelles en couvrant les points reconnus vulnérables, ? Faut-il au contraire étendre la ligne des fortifications bien au-delà, de façon à rendre l’investissement réellement impossible cette fois ? La lutte s’est engagée entre les deux systèmes. C’est le système étendu, présenté, soutenu par la commission de l’armée, qui a triomphé malgré la séduisante et instructive éloquence que M. Thiers a mise au service du système restreint. Il est bien clair que la perte de nos provinces de l’est a singulièrement changé la situation en faisant de Paris une place frontière que nous devons nous efforcer de rendre désormais inexpugnable. D’un autre côté, ne court-on pas le risque d’altérer jusqu’à un certain point l’esprit guerrier de la France en donnant à nos armées, à nos chefs militaires, la tentation de se réfugier au premier revers dans ce vaste camp retranché ? Une réflexion vient cependant à l’esprit en présence d’un débat comme celui qui s’est déroulé l’autre jour à Versailles : pourquoi l’assemblée ne multiplie-t-elle pas de telles discussions au lieu de se perdre trop souvent en conflits sans issue ? Elle y gagnerait de se pacifier elle-même au contact des grands intérêts nationaux, en laissant le pays à la fois plus tranquille, plus instruit et plus fort.

CH. DE MAZADE.


THÉÂTRE-FRANÇAIS.

LE SPHINX, comédie en quatre actes, par M. Octave Feuillet.

Plus que tout autre de nos écrivains, M. Octave Feuillet a horreur des vulgarités, il s’écarte instinctivement du sentier battu, et c’est dans la fine analyse que son tact extrême, sa distinction innée, se trouvent le