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prédominent en France et y trouvent le plus large marché; non-seulement le conseil d’administration, dont le président actuel est le baron de Wodianer, le financier le plus autorisé de l’Austro-Hongrie, se compose toujours des deux mêmes élémens et continue d’être représenté à Paris par un comité spécial que préside M. I. Pereire, mais sur place le haut personnel actif se recrute en grande partie de fonctionnaires français dont l’aptitude ne donne à Pesth et à Vienne que des motifs de persévérer dans la voie suivie depuis dix-huit ans. Le premier directeur de la compagnie, celui qui en a créé tous les services, M. Jacques Maniel, revenu en France pour prendre place au conseil général des ponts et chaussées, avait conquis en Autriche une position tout exceptionnelle : il y a laissé des souvenirs ineffaçables. Son successeur, M. Bresson, membre comme lui du corps des ingénieurs de l’état, ses collaborateurs français, ont fait et font honneur chaque jour à notre pays par leur droiture, leur initiative, leur dévoûment. Ils n’inspirent ni jalousie, ni froideur aux collègues autrichiens qui les secondent et qui comptent à leur tête des hommes capables tels que M. d’Engerth, si connu par ses créations techniques et sa participation à la dernière exposition. La colonie française, comme on appelle nos ingénieurs résidant en Autriche, attachés à bien d’autres entreprises qu’à celles de la Staats-Bahn et de la Sud-Bahn, a servi plus qu’on ne peut le dire à nous conquérir des sympathies dans tous les rangs de la société et dans toutes les classes de la nation. C’est un éloge sérieux qu’on ne saurait marchander à des hommes pour qui la vie à l’étranger n’apporte pas toujours les avantages matériels ou les jouissances qu’on suppose. Si l’on se représente enfin tout ce que la cause de la civilisation gagne dans ces entreprises, dont le résultat est d’améliorer la vie de populations nombreuses, on se fera une idée meilleure des spéculations industrielles, on nous permettra de louer la partie morale de ce que bien des gens appellent dédaigneusement les préoccupations des « hommes d’affaires. » Certes une affaire comme celle de la Société autrichienne, qui a coopéré à cette immense circulation des produits hongrois, grâce auxquels la disette n’existe plus pour nos nations d’Occident, qui a favorisé pour une bonne part les progrès inouis de l’industrie en Bohême, qui travaille à mettre en valeur des forces humaines et des richesses matérielles non utilisées, qui sert de principal instrument à la mission de l’empire austro-hongrois en Orient, mérite non-seulement l’attention des financiers, mais tous ceux qui ont souci des intérêts les plus élevés de la civilisation lui doivent aussi leur sollicitude et leurs éloges.


BAILLEUX DE MARISY.