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moyen a poursuivi pour la Transleithanie l’établissement d’un système de voies ferrées analogue à celui de l’Autriche. C’est à chacune de ses frontières que le gouvernement hongrois a voulu diriger les lignes de fer. Vers la Russie au nord-est et vers la Prusse au nord, il a fait construire le Chemin de l’état hongrois, qui se reliera au réseau galicien en joignant Pesth à Cracovie d’une part et à la Silésie autrichienne de l’autre. Au nord-ouest, la Société autrichienne peut offrir, avec le concours de la Compagnie du sud, deux routes sur Vienne, par chacune des rives du Danube. A l’ouest, le réseau de la même Compagnie du sud, que nous appelons à Paris la « Compagnie des Lombards » et l’Ouest hongrois fournissent de faciles débouchés vers les provinces de l’Autriche. C’est maintenant surtout au sud et à l’est que le gouvernement hongrois se propose d’étendre ses communications. Au sud, en achevant quelques tronçons appartenant à l’état et en rachetant les lignes de la Compagnie lombarde qui partent d’Ofen, il veut arriver à l’Adriatique et faire du port croate de Fiume le rival de Trieste, dont l’Istrie le sépare; ce projet semble en ce moment celui qui occupe le plus vivement l’attention publique. A l’est, le gouvernement, en achetant une grande partie des actions des chemins de fer de la Theiss, s’est assuré une influence prépondérante sur les relations avec la Roumanie, et, dans les négociations qu’il poursuit avec la Société des chemins autrichiens, comme dans les projets qu’il suscite pour la construction des lignes partant de Pesth vers Belgrade, il tente de créer des lignes stratégiques et politiques du côté de la Serbie.

La réalisation de ce plan dépendra de l’état des finances hongroises, et peut-être le gouvernement ferait-il sagement d’imiter la conduite de l’Autriche en 1855 et en 1858, c’est-à-dire de renoncer au système de la construction des chemins par l’état en appelant à son aide le capital étranger; dans ce cas, il est vrai, l’intérêt commercial proprement dit devrait avoir le pas sur l’intérêt politique, et c’est là un point très délicat à toucher devant le parlement de Pesth. Quoi qu’il en soit, le projet de doter la Hongrie d’un port sur l’Adriatique, comme de mettre Pesth sur le plus court chemin de Constantinople à la Mer du Nord et à la Russie, d’associer au royaume des Magyars les populations orientales de la Roumanie, de la Serbie, de la Bosnie, est très louable, et les efforts déjà faits semblent en garantir l’exécution. Que de progrès en effet depuis 1854, cette année des grands emprunts, alors que l’Autriche demandait, entre deux autres emprunts à l’étranger, une somme de 1,500 millions de francs à une souscription nationale qui avait tous les caractères d’un emprunt forcé, et vendait à une compagnie française ses chemins de fer et ses domaines ! Malgré deux guerres désastreuses et un changement politique important, c’est depuis cette époque que