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La construction des vaisseaux avait pris peu de développement en France avant l’année 1626; ce n’en était pas moins une industrie reconnue et réglementée par la sollicitude de nos rois depuis près d’un siècle. Dès l’année 1557, le roi Henri II remarquait que « les charpentiers et les calfateurs compromettaient souvent par leur négligence la vie des équipages et le succès des voyages. » Il prescrivait en conséquence que « nul ne pût être maître avant d’avoir été apprenti pendant trois ans et d’avoir fait chef-d’œuvre en présence des gardes établis par l’amiral. » Ces prescriptions demeurèrent insuffisantes, car en 1634 on se plaignait encore « que les bâtimens construits en France, faute d’avoir été bien liés, s’ouvraient souvent les uns de leur propre poids et sans naviguer, les autres à la mer avec perte d’hommes et de marchandises. »

Si nous n’avions pas de vaisseaux en 1626, nous avions du moins des arsenaux où l’on en pouvait bâtir : dans la Méditerranée, Marseille, — dans l’Océan, Brest et Brouage à l’embouchure de la Seudre, — dans la Manche, Le Havre de Grâce et Calais. Richelieu établit sur ces divers points des chantiers, mais il exigea qu’à l’avenir on ne construisît aucun navire pour le service du roi sans que les plans en eussent été soumis à un conseil composé de six ou sept capitaines, qui devraient prendre en outre à ce sujet l’avis de deux maîtres charpentiers « anglais ou flamands. » Qui ne voit déjà poindre dans cette ordonnance l’institution des conseils de marine auxquels sera déféré pendant plus de cent cinquante ans l’examen de toutes les constructions projetées[1]? Il est bien peu de nos institutions dont nous ne puissions ainsi retrouver la source dans les dispositions édictées à cette époque par le grand ministre de Louis XIII. La flotte construite, il fallait aviser à la conserver. Richelieu prescrivit que tous les vaisseaux du roi seraient à leur retour de la mer conduits dans les ports de Brouage, de Brest ou du Havre. Les canons étaient mis à terre, les agrès rangés dans des magasins; des agens spéciaux dressaient l’inventaire de tous les objets. Un chef d’escadre et un commissaire-général de marine s’en partageaient la garde avec des attributions très distinctes. Le premier avait sous ses ordres un capitaine et deux lieutenans ; le capitaine résidait à terre, les lieutenans à bord de vaisseaux désarmés. De ces deux vaisseaux, l’un était posté au fond du port, l’autre en occupait l’entrée. Trois commissaires et deux contrôleurs assistaient le commissaire-général. La police, la défense de l’arsenal, appartenaient au chef d’escadre, le soin des radoubs revenait à l’autorité administrative. Les travaux s’exécutaient généralement au rabais, c’est-à-dire avec toutes les

  1. Les conseils de marine ont été remplacés en 1831 par un conseil central des travaux siégeant à Paris.