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aux parties hautes du navire une rentrée considérable. Rien de plus intéressant que de voir éclore, dans l’espace de quarante ou cinquante ans, sous une lente et graduelle incubation, le vaisseau qui doit suffire, sans modification sensible, à quatre ou cinq générations d’hommes de mer. La poupe des vaisseaux, pareille à celle des barques, avait été d’abord plate et quadrangulaire. Vers le milieu du XVIIe siècle, les Anglais l’arrondissent et en rattachent les bordages à l’étambot. On n’avait, dans le principe, divisé la coque en plusieurs étages que pour y placer des canons. Recevait-on quelque projectile au-dessous de la batterie basse, il fallait dresser des échelles dans la cale pour arriver jusqu’à la voie d’eau. Ce furent encore les Anglais qui songèrent à établir au-dessus des barriques, au-dessus des cordages, un pont léger sur lequel les charpentiers pouvaient circuler pendant le combat. Telle fut l’origine du faux-pont actuel.

Quand on étudie de près tous ces détails, on est étonné du peu de différence qui existe entre la coque d’un vaisseau de 1672 et celle d’un vaisseau de 1840. Ce n’est plus que par la voilure et par le gréement que les navires du XVIIe siècle peuvent encore nous sembler étranges. De ce côté en effet, le progrès fut très lent. Les anciennes nefs faisaient surtout usage de leurs basses voiles. Quand par-dessus la basse voile on eut établi le hunier et, plus haut encore, le perroquet, il fallut bien des années pour qu’on sût trouver le moyen de donner quelque solidité aux mâtereaux qui portaient ces voiles supplémentaires. Les basses voiles demeurèrent pendant plus d’un siècle les voiles de résistance, celles sous lesquelles on mettait à la cape quand on se trouvait « chargé d’un gros temps. » Déjà cependant on savait, au témoignage du marquis de Seignelay, prendre des ris aux huniers, c’est-à-dire, suivant la définition de l’auteur, « diminuer ces voiles par en haut lorsque le vent est assez fort pour qu’il y ait danger de démâter, si on les laissait plus étendues. » Rien ne marqua d’ailleurs dans l’antique voilure un progrès plus notable que l’adoption de ces voiles triangulaires qui portent le nom de focs et vont de l’extrémité du beaupré à la tête du mât de misaine. Au temps où les Anglais et les Hollandais se disputaient l’empire de la Manche, la voilure était balancée par un appareil bien autrement compliqué. Sous le beaupré des vaisseaux, on voyait se déployer alors une grande voile carrée, traînant jusqu’à la mer, qui servait à favoriser les mouvemens d’arrivée; c’était ce qu’on appelait la voile de civadière. On désignait sous le nom de perroquet de beaupré une autre voile légère hissée, à la façon des huniers, sur un mâtereau branlant que soutenait le mât horizontal déjà chargé de la voile de civadière.