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les rênes du gouvernement à La Haye. Elle ne se souciait guère d’augmenter l’héritage du fils de la reine d’Ecosse; elle se contenta donc de promettre aux états aide et appui. Au moment où la trêve fut signée entre les états et l’Espagne, Elisabeth ne régnait plus, mais des garnisons anglaises occupaient encore Flessingue, Ramekens et Brille, comme gages de la dette contractée par la Hollande envers l’Angleterre, et Jacques tenait vis-à-vis des états le langage d’un protecteur bien plus que d’un allié. Henri IV lui-même, qui était l’ami le plus sincère des « nobles, hauts et puissans seigneurs, messeigneurs les estats, » les tenait pour libres, mais non pour souverains, Francis Aerssens, l’envoyé des états, fut reçu et traité par lui avec les plus grands honneurs aussitôt après la signature de la trêve. L’ambassadeur d’Angleterre à ce propos demanda au roi s’il entendait continuer sa protection et son assistance aux états pendant la durée de la trêve. « Oui, répondit Henri. — Et pendant quelques années après? — Non, je n’entends pas offenser le roi d’Espagne de gaîté de cœur. — Mais ils sont libres ! répliqua l’ambassadeur, le roi d’Espagne n’aurait aucun sujet d’offense. — Ils sont libres, dit Henri, mais non souverains. » — « Jugez, écrivait Aerssens à Barneveld dans la dépêche où il raconte cette conversation, dans quels termes nous serons avec l’Espagne à la fin de la trêve, si nos meilleurs amis font entre eux cette distinction à notre désavantage. Ils insistent sur cette différence entre la liberté et la souveraineté, considérant la liberté comme un état moyen entre la servitude et la souveraineté. »

Henri IV disait vrai : messeigneurs les états étaient libres, ils avaient conquis cette liberté par les plus généreux efforts; mais leur souveraineté était vague et indécise, parce qu’elle n’était point personnifiée dans un homme ou dans une dynastie. Leur état politique n’était défini par aucune constitution. Les Provinces-Unies n’étaient qu’un faisceau de provinces qui avaient fini par tomber dans l’héritage d’une famille étrangère, de cités qui avaient conquis ou acheté des libertés municipales. L’union d’Utrecht contractée en 1579 n’était qu’une ligue de provinces et de villes rebelles, un contrat qui n’était fait que pour la guerre, un traité. Les articles d’union réservaient formellement à chacune des sept provinces tous les pouvoirs qui n’étaient pas nécessaires au gouvernement pour mener à bonne fin la lutte entreprise contre le suzerain espagnol.

Pendant la chaleur de la guerre, les vices inhérens à toutes les ligues n’avaient point apparu; la province de Hollande avait joué le rôle prépondérant, car presque toute la richesse de la confédération y était concentrée, et c’est la puissance de l’argent qui avait fini par