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mandant anglais n’avait point hésité à s’engager avec sa petite armée dans l’intérieur du royaume barbare ; il était arrivé jusqu’à la capitale, jusqu’à Coumassie, qu’il avait occupée. Le roi des Achantis s’était sauvé, mais il avait envoyé un officier avec la promesse de venir le lendemain pour conclure un traité. Il n’est pas venu, comptant sans doute laisser les Anglais se morfondre avec leur victoire inutile. Alors sir Garnet Wolseley a tout simplement réduit la ville en cendres. Il paraît que le roi nègre s’est laissé convaincre par cet argument de la force, puisqu’il a signé depuis un traité par lequel il consent au paiement d’une indemnité, à l’abandon de quelques postes de la côte aux Anglais et à l’abolition des sacrifices humains dans son royaume. L’expédition contre les Achantis finit comme la guerre d’Abyssinie, moins l’héroïsme du roi Théodoros, qui se tua dans sa capitale avant de la livrer. Elle est finie, et c’est là sans doute ce qu’il y a de plus heureux pour les Anglais.

L’Espagne, quant à elle, n’a point à faire des expéditions si lointaines ; elle a la guerre chez elle, dans ses provinces. Elle est réduite à combattre, non un roi nègre, mais à se défendre contre un parti puissant qui est arrivé à disposer de forces assez considérables, qui a son prétendant à la couronne et qui depuis deux ans est sous les armes. La durée de cette lutte, les succès relatifs des carlistes, tiennent évidemment à la désorganisation où se débat ce malheureux pays depuis quelques années, depuis l’an dernier surtout. C’est le déchaînement de toutes les folies révolutionnaires qui a d’abord favorisé les carlistes en provoquant la dissolution de l’armée régulière ; c’est l’insurrection socialiste du sud qui est venue ensuite aider aux progrès de la cause absolutiste dans le nord, en obligeant le gouvernement de Madrid à diviser le peu de forces qui lui restait. Le coup d’état du 2 janvier, qui a renvoyé les cortès et créé un nouveau gouvernement, a-t-il modifié sérieusement cette situation ? Sans doute on a commencé à s’inquiéter un peu plus de la guerre du nord, on a rassemblé des forces, on a même envoyé un nouveau général, qu’on croyait plus habile, Moriones, pour diriger la campagne contre les carlistes. Malheureusement on s’est beaucoup plus occupé encore à Madrid de rivalités personnelles, de crises ministérielles, d’antagonismes d’influences.

Le fait est que depuis deux mois c’est une lutte permanente entre radicaux, conservateurs, républicains, s’agitant autour du gouvernement et dans l’intérieur du gouvernement. Qui aurait le dernier mot, la prépondérance resterait-elle aux radicaux ou aux conservateurs ? Ferait-on un plébiscite pour transformer le général Serrano en lieutenant-général d’un royaume sans roi, en régent ou en président septennal, décennal de la république ? C’était là ce dont on s’occupait, et pendant ce temps, les carlistes, gagnant du terrain, arrivaient à cerner Bilbao, à s’emparer