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beaucoup d’existences, créent une foule de petites ambitions rivales, et subordonnent des questions de principe aux passions particulières, elles ne tardent pas à enfanter les défiances, source de défections, de trahisons même, et qui finissent, quand on y appelle les classes ouvrières, par les corrompre au lieu de les éclairer. » — Béranger ajoute : «Dans les élections de 1827 contre le gouvernement de l’ancien régime, la société Aide-toi, le ciel t’aidera, qui agissait ostensiblement, a seule rendu de véritables services à notre cause. »

Les élections de 1827 une fois accomplies, la dissidence entre les élémens conservateurs et les élémens conspirateurs de la société Aide-toi, le ciel t’aidera ne pouvait manquer de se manifester; nous cessâmes de nous associer à son action, et M. Vitet s’en écarta, comme ses amis. A tout prendre, nous avions réussi dans les élections; en janvier 1828, M. de Villèle tomba victime tantôt de ses résistances, tantôt de ses concessions au parti de l’ancien régime et de la cour. Il fut remplacé par M. de Martignac; les alliances comme les tendances du gouvernement devinrent libérales, non sans efficacité, quoique avec mesure; mais les partis parlementaires n’étaient encore ni assez expérimentés ni assez unis pour savoir soutenir le gouvernement qu’ils avaient créé; le cabinet Martignac essuya à propos de son projet de loi sur l’administration départementale un échec qu’il ne crut pas pouvoir accepter. Le roi Charles X saisit avec empressement cette occasion de se défaire d’un cabinet qui déplaisait à ses routines et à ses goûts, quoiqu’il n’eût pour sa race et pour son trône aucune raison de s’en méfier. M. de Polignac remplaça M. de Martignac. C’était le drapeau de l’ancien régime, expression des sentimens du roi et préface de ses actes. Je placerai ici ce que pensait et écrivait M. Vitet dans la Revue des Deux Mondes le 1er avril 1870, quarante ans après la révolution de juillet 1830. « Le sort en fut jeté, dit-il : ces ministres nouveaux, dont les noms seuls semblaient une menace, eurent beau d’abord ne rien dire et presque ne rien faire, l’émotion ne se calma point; jusqu’à l’issue fatale, pendant toute une année, la France fut dans cet état de stupeur et de fièvre, dans ce malaise et cette angoisse qui précèdent un violent orage. De part et d’autre, la confiance était morte, et la force était le seul arbitre qui désormais devait tout décider. Bientôt la crise alla se précipitant; les rudes, mais sincères et loyales remontrances de l’adresse des 221 de la chambre des députés provoquèrent un appel au pays; lorsque, par les nouvelles élections, le pays eut confirmé les remontrances de la chambre, le roi Charles X, sortant, par ses ordonnances de juillet 1830, de la charte qu’il avait jurée, lança au régime constitutionnel le fatal défi du pouvoir absolu. Huit jours après, la monarchie relevée en 1814 avait disparu.