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provinces qu’ils avaient soumises. La Boukharie était, comme le Khorastan, une dépendance lointaine du sultan qui régnait à Bagdad. La population indigène resta sensiblement, à la religion près, ce qu’elle était d’abord, un mélange de Persans et de Turcs, ceux-ci turbulens et belliqueux, adonnés au métier des armes, les autres paisibles et industrieux. La Perse et la Transoxiane, réunies sous un même souverain, l’émir Ismaël, de la dynastie des Samanides, traversèrent, au IX siècle, une des époques les plus brillantes de leur histoire. Issu d’une vieille famille iranienne qui s’était convertie de bonne heure à l’islamisme, Ismaël se fit, entre Ispahan et Samarcande, un royaume presque indépendant. En réalité, cette ère de prospérité fut l’œuvre des Iraniens seuls, qui, malgré l’invasion arabe au midi et l’invasion tartare au nord, conservaient encore l’esprit national dont ils avaient été animés au temps de Zoroastre. Le peuple aimait ses souverains samanides, qu’il soutenait volontiers contre les envoyés du calife. Ce fut alors, grâce à la vieille civilisation âryenne dont les émirs indigènes de la Transoxiane étaient les héritiers directs, que Bokhara devint la capitale d’une moitié de l’Asie mahométane. L’activité intellectuelle de ce temps ne se portait, il est vrai, que sur la théologie; mais la langue et la littérature persanes firent remises en honneur. Bokhara, Balk et Samarcande devinrent ces foyers d’études où se réunissaient les docteurs les plus instruits et les écoliers les plus studieux du monde musulman. La première ce ces villes fut alors la Rome de l’islamisme, de même que Médine en était la Jérusalem. N’est-ce pas un fait remarquable que les Arabes, au cœur de l’Asie de même que dans l’Afrique septentrionale, après de si grandes conquêtes, ne soient par eux-mêmes parvenus à rien fonder de durable? Il faut que cette suprématie religieuse de la Transoxiane ait été bien incontestée au Xe siècle, puisqu’elle s’est conservée jusqu’à nos jours sans trop perdre de son prestige, en dépit des invasions mogoles et des bouleversemens prodigieux dont cette région fut ensuite le théâtre.

Les souverains samanides ne se montrèrent pas capables de conserver longtemps leur couronne, parce que leurs sujets indigènes l’aimaient pas le métier des armes et que les Turcs, dont se compoaient leurs armées, manifestèrent bien vite l’intention de devenir les maîtres. Après comme avant l’invasion arabe, la Sogdiane fut l’une des portes par où les tribus tartares de l’Orient se ruaient sur le monde civilisé. Les premiers venus, peu nombreux, se confondirent dans la population native; puis survinrent, par cette même voie, d’autres peuplades plus redoutables. Ce furent d’abord les Ouigours, qui avaient acquis dans le Turkestan un certain degré de civilisation, sans doute par l’influence du christianisme, dont les nestoriens leur