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Gravelotte, à la suite du reste de l’armée. Le général de Ladmirault, informé de la confusion qu’il allait rencontrer sur les voies qui lui avaient été indiquées, prenait sur lui de se détourner et de diriger son 4e corps par Woippy, où il arrivait après bien des heures avec des troupes fatiguées de combattre et de marcher depuis la veille. En réalité, où en était-on le 15 au soir ? Le maréchal Canrobert et le général Frossard avaient fini par gravir le plateau avec leurs corps, dépassant Gravelotte, le premier campant à Rezonville, le second s’arrêtant sur la gauche. Ils avaient en avant la cavalerie du général de Forton et du général de Valabregue vers Mars-la-Tour. La garde s’était portée à Gravelotte, où l’empereur l’avait suivie pour la nuit ; mais les deux autres corps n’étaient point aussi avancés. Le maréchal Lebœuf, qui devait aller à la droite du 6e corps, à Vernéville, avait rencontré des difficultés, il ne pouvait arriver qu’assez avant dans la soirée avec une seule de ses divisions, les autres le suivant lentement. Le général de Ladmirault, qui devait être à la droite de la ligne de marche, sur la route d’Etain, à Doncourt, se trouvait encore à Woippy, où il passait la nuit.

On en était là le soir du 15, après une journée pénible passée en mouvemens lents et confus. Le 16 au matin, à l’aube, l’empereur, qui était à Gravelotte et qui avait hâte de gagner Verdun, sortait d’une mauvaise auberge où il avait passé la nuit. L’empreinte du chagrin était sur son visage, comme l’affaissement moral était dans sa démarche. Après s’être entretenu un instant avec le maréchal Bazaine, qui arrivait. Napoléon III, croyant peut-être précéder l’armée à Verdun, partait par la route d’Étain escorté par une brigade de cavalerie de la garde jusqu’à Conflans, où le général de France laissait le service d’escorte du souverain fugitif à la brigade de chasseurs d’Afrique du général Margueritte, qui ne devait plus revenir. Il n’était que temps, et l’empereur avait été bien inspiré de prendre par Étain ; s’il avait pris la route directe de Mars-la-Tour, il tombait sur l’ennemi ! Peu après ce triste départ en effet, le maréchal Canrobert et le général Frossard, qui avaient dû se remettre en marche dès le matin, mais qui avaient été retenus, voyaient se replier sur eux avec une certaine confusion la cavalerie de Forton et Valabregue. Sur le front du 2e et du 6e corps, le feu éclatait tout à coup.

C’était la suite fatale de ces quelques jours qu’on venait de perdre, des lenteurs des dernières quarante-huit heures en face d’un ennemi entreprenant qui, par son mouvement de Pont-à-Mousson, se proposait justement de gagner l’armée française de vitesse sur cette ligne de retraite de Verdun où nous commencions à peine à nous engager. Tandis que nous perdions du temps, le prince Frédéric-Charles, quant à lui, avait hâté la marche de la IIe armée. Dès