Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le ravin de Vantoux. En réalité, les Prussiens de la Ire armée, — Ier et VIIe corps, — arrivés depuis la veille sur la Nied, et assez rapprochés par leurs avant-postes des camps français, n’avaient pas reçu de l’état-major allemand la mission d’engager une affaire. Placés comme nous sur une ligne circulaire, ils étaient là sur notre front moins pour prendre l’offensive que pour nous surveiller et attendre eux-mêmes l’attaque au besoin ; mais depuis le matin ils distinguaient tous les signes d’un mouvement de retraite, et c’est en voyant notre 3e corps se préparer à quitter ses positions en avant de Borny que le général de Goltz, placé avec sa brigade en avant-garde à peu de distance, à Laquenexy, avait pris la résolution soudaine, spontanée, de brusquer l’action pour nous arrêter. C’était une sorte de coup de tête qui avait pourtant sa raison, qui s’inspirait de cette idée qu’il fallait à tout prix retenir l’armée française sous Metz, pour donner au prince Frédéric-Charles le temps de gagner du terrain par la région supérieure de la Moselle. Tout plein de cette pensée, le général de Goltz n’avait attendu aucun ordre ; il avait prévenu les divisions du VIIe corps, auquel il appartenait, les divisions voisines du Ier corps, même une division de la IIe armée, qui se trouvait sur la gauche, et, se précipitant par le ravin de Vallières vers Colombey, il s’était jeté sur les divisions Metman et Cassagny, qui se retournaient pour recevoir cette attaque inattendue. Au bruit du feu, le général Decaen, qui avait remplacé le maréchal Bazaine dans le commandement du 3e corps, accourait au milieu de ses soldats ; le maréchal lui-même ne tardait pas à se rendre sur le théâtre de l’action.

C’était une véritable bataille engagée par une seule brigade, bientôt soutenue par les divisions Glumer et Kamecke, qui arrivaient successivement au secours du général de Goltz. Pendant ce temps, le général de Manteuffel, prévenu de ce qui se passait, partait de son côté pour soutenir l’action sur la droite de la ligne allemande. Il s’avançait dans la direction du fort Saint-Julien, par Montoy, Nouilly, Servigny, Noisseville, aidant l’imprudent de Goltz par une attaque contre la division Aymard du 3e corps, et abordant la division Grenier du 4e corps autour du petit village de Mey. Le général de Ladmirault, qui était aux bords de la Moselle, présidant au passage de ses troupes, suspendait aussitôt son mouvement. Il ramenait une partie de ses forces par les pentes de Saint-Julien. La division de Cissey, accourant au pas de course sous l’intelligente impulsion de son chef, se lançait sur les Prussiens de Manteuffel et les faisait reculer. A toutes les attaques, on opposait la plus ferme attitude, de sorte que pendant quelques heures, sur le front du 4e corps, comme devant le 3e corps, c’était une lutte opiniâtre, violente, meurtrière, A huit heures du soir, tout était fini ; sur tous les points, les positions