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aussi prudemment conçu qu’il allait être redoutable par ses effets.

Le plan allemand, à peu près renouvelé de la campagne de Bohême, depuis longtemps médité, naturellement simplifié par nos premiers revers, surtout par la bataille de Frœschviller et la retraite de Mac-Mahon, ce plan consistait dans un grand mouvement de conversion sur la Moselle. Tout était minutieusement prévu et combiné. Tandis que la Ire armée restait chargée de faire face directement à Metz par la route de Sarrebruck, la IIe armée devait se porter sur la moyenne Moselle, vers Pont-à-Mousson, avec la pensée de déborder l’armée française, de l’atteindre sur sa ligne de retraite et peut-être de la rejeter sur Metz ; la IIIe armée, à son tour, devait s’avancer par les Vosges vers Nancy et la haute Moselle, de façon à être sur la route de Paris, à rejeter au loin les corps qu’on venait de rencontrer en Alsace et à couper nos communications de l’est à l’ouest en restant liée à la IIe armée par les versans occidentaux des Vosges et la haute Sarre. C’était un réseau de près de 500,000 hommes qui allait se tendre en mailles d’airain sur nous. Dans ce vaste mouvement appuyé et tournant sur l’aile droite, sur la Ire armée, comme sur un pivot, c’était la IIIe armée, formant l’aile gauche dans la marche générale, qui avait évidemment le plus long chemin à parcourir pour se retrouver sur la ligne de bataille, et c’était elle aussi qui s’ébranlait la première le 8, laissant la division badoise du général de Beyer chargée d’aller par Haguenau et Brumath mettre le siège devant Strasbourg.

On s’engageait dans les Vosges en cinq colonnes parallèles, le IIe corps bavarois se portant à droite par Bitche, Lemberg, vers Fénétrange, le Ier corps bavarois côtoyant le IIe les Wurtembergeois se dirigeant par Ingwiller, Meisenthal, sur Rauwiller, le Ve corps marchant par la Petite-Pierre sur Sarrebourg, le XIe corps sur la gauche prenant par Saverne et Phalsbourg. Le VIe corps suivait le mouvement, ayant une de ses divisions détachée auprès des Bavarois ; la cavalerie précédait la marche. Quoiqu’il n’y eût plus un soldat français dans ces montagnes fatalement abandonnées, on s’avançait avec une extrême prudence. Les seuls obstacles qu’on pût rencontrer étaient les quelques places qui défendent les principaux défilés. A Bitche, les Bavarois laissaient quelques forces d’observation et de blocus sans s’arrêter. Le petit fort de Lichtenberg se rendait après un jour de canonnade. La Petite-Pierre avait été précipitamment évacuée. A Phalsbourg, la question était différente ; un officier énergique, le commandant Taillant, repoussait fièrement toutes les sommations, prêt à se défendre jusqu’à la dernière extrémité. C’était un siège en règle qui restait à faire, qui pouvait être gênant, mais qui ne troublait pas le mouvement général. Le 12, le prince royal avait franchi les Vosges, il était à Sarrebourg,