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ou plutôt de Lorraine, qui, après sept jours de retraite et de mouvemens laborieux, se retrouvait le 13 au soir devant Metz, grossie de la division de cavalerie du général de Forton, de la division de chasseurs d’Afrique du général Du Barail, du 6e corps, qui n’avait pu passer à Frouard qu’en laissant toute sa cavalerie, la plus grande partie d’une de ses divisions d’infanterie, onze batteries d’artillerie sur vingt. Telle qu’elle était à ce moment, l’armée de Bazaine s’élevait à un peu plus de 170,000 hommes. C’était assurément une force capable de soutenir de formidables chocs, elle allait bientôt le montrer, mais placée aussi dans une position d’heure en heure plus difficile par les lenteurs et les tiraillemens qui, en l’épuisant et en la troublant depuis quelques jours, ne pouvaient au contraire que profiter à un ennemi vigilant et actif.


III

Cet ennemi, où était-il ? Comment employait-il le temps qu’on lui laissait ?

Au premier moment, s’il y avait au camp français la stupeur de la défaite, il y avait au camp allemand comme une stupeur de la victoire, une surprise triomphante qui se révélait presque naïvement dans le mysticisme soldatesque des dépêches du roi Guillaume à la reine de Prusse : « Quel bonheur ! c’est Fritz qui a remporté la nouvelle et grande victoire. Loue Dieu pour les grâces qu’il répand sur nous ! » Évidemment l’état-major prussien, si confiant qu’il fût, n’avait pas rêvé une si prompte et si étonnante fortune. Victorieux, les Allemands l’étaient pour sûr, ils ne se sentaient pas moins très éprouvés, et peut-être même tout d’abord ne mesuraient-ils pas toute la portée de leurs succès. Aussi le soir du 6 semblaient-ils hésiter un peu à profiter de leurs avantages. Le prince royal, voyant les Français se dérober devant lui à Reichshofen, n’avait pas trop distingué sur le moment la direction de leur retraite ; il supposait à Mac-Mahon la pensée de se replier par Bitche sur le gros de l’armée française de Lorraine ; il avait fait suivre le maréchal par de la cavalerie, mais assez faiblement pour n’apprendre une partie de la vérité que le lendemain. D’ailleurs, à l’issue du combat, aux approches de la nuit, le prince royal ne s’était nullement soucié de se jeter hasardeusement dans les défilés des Vosges ; avant tout, il tenait à rallier, à raffermir ses corps. Le 7 était un jour de concentration et de repos pendant lequel on avait cessé un instant de se mettre sur nos traces, de sorte que, lorsque ce jour-là le malheureux 1er corps quittait précipitamment Saverne, il se croyait serré de plus près qu’il ne l’était. Sur la Sarre, l’ennemi était encore moins en mesure de poursuivre l’avantage de Spicheren. Les corps