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d’animadversion universelle et sous un vote, faisant place à ce qu’on appelait un ministère de défense nationale, où entraient un peu pêle-mêle le prince de Latour d’Auvergne, M. Jérôme David, M. Jules Brame, M. Magne, M. Clément Duvernois, sous la présidence toute militaire du général Montauban de Palikao, appelé à l’improviste de Lyon.

Premier résultat politique des événemens de la frontière : le ministère auteur de la guerre avait disparu dans l’émotion publique ; c’était un commencement de satisfaction ; mais l’opinion ne s’en tenait plus là. Après le ministère Ollivier, qui s’en allait chargé d’un désastre national, l’opinion ne cessait de poursuivre de ses défiances, de ses animosités ceux qui n’avaient su conduire nos soldats qu’à la défaite. Elle se montrait inflexible pour le général de Failly, qu’elle accusait de ne s’être point trouvé à Frœschviller, pour le général Frossard, le vaincu de Spicheren, pour le maréchal Lebœuf, l’organisateur bien peu sérieux de la guerre, pour l’empereur lui-même. On ne se fiait plus à une direction militaire qui venait d’être si cruellement déjouée, de se montrer si tristement impuissante, et avec cette mobilité ou cette superstition du sentiment public ébranlé par le malheur, inquiet de l’inconnu, on cherchait des chefs nouveaux, on faisait volontiers une popularité au maréchal Bazaine à Metz, au général Trochu à Paris, de même qu’on acceptait sans y regarder le général Montauban, qui avait le mérite d’avoir paru délaissé jusque-là, et de passer pour un homme de ressource depuis son expédition de Chine. Dès les premiers jours, sans créer des difficultés au nouveau ministère, l’opposition avancée du corps législatif n’avait pas caché qu’à ses yeux la cause de tous les revers était dans « l’insuffisance absolue du commandement en chef ; » elle demandait sans plus de déguisement que l’empereur revînt, que le maréchal Lebœuf fût rappelé, sinon mis en accusation, que le commandement passât en d’autres mains, et les amis les plus dévoués de l’empire, en livrant le major-général, défendaient peu l’empereur lui-même. De là une situation assurément difficile, pénible et obscure, où tout le monde avait un rôle, l’impératrice, le ministère, le corps législatif, les familiers, les conseillers secrets, sans oublier le public. De là aussi un malentendu croissant et redoutable. Si à Paris on voyait bien peu clair dans ce qui se passait à Metz, au camp de Metz on n’avait guère l’idée de ce qui se passait à Paris. Pendant quelques jours, du 7 au 14 août, après comme avant la chute du ministère Ollivier, c’était un véritable drame télégraphique, plein de péripéties et d’émotions, entre les Tuileries et le quartier-général.

Aux premiers momens, l’impératrice écrit ces dépêches saccadées d’heure en heure : « Ne vous préoccupez pas de Paris, j’en