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chemin, signées par le chef du pouvoir exécutif lui-même et scellées du grand sceau de la chancellerie. C’est l’écho des Institutes de Justinien, qui ne permettent le mariage qu’à partir du quatrième degré, c’est-à-dire entre cousins germains.

L’église, qui en cette matière a toujours été d’une perspicacité remarquable, va plus loin que la loi française; elle a été forcée de céder sur bien des points pour ne pas voir les époux échapper absolument à son action, car aujourd’hui elle ne fait que consacrer par ses prières l’acte que l’état civil a seul pouvoir de rendre indissoluble; elle accorde donc les dispenses qu’on lui demande, mais les formalités même qu’elle exige sont une sorte de protestation qui semble mettre sa responsabilité à l’abri. Elle interdit les unions au quatrième degré canonique[1], elle les trouve dangereuses pour la pureté des relations de famille, et dans un ordre exclusivement physiologique elle estime qu’elles ne sont pas sans inconvéniens. Ce n’est pas d’hier qu’elle pense ainsi et qu’elle avoue nettement que l’intérêt de la propagation de la race la préoccupe vivement. En effet, le pape Grégoire le Grand écrit au moine Augustin, le convertisseur de l’Angleterre, à propos de mariages entre cousins issus de germains, cette phrase, qui mérite d’être retenue et prouve des connaissances très avancées pour l’époque : experimento didicimus ex tali conjugio sobolem non posse sucerescere[2]. Un professeur de physiologie expérimentale ne dirait pas mieux. L’église, ayant repris certaines prescriptions des lois de Moïse et des épîtres de saint Paul, avait d’abord poussé les choses à l’extrême, car elle défendait les unions aussi loin que la parenté pouvait être constatée; c’était, à peu de chose près, mettre obstacle à tout mariage dans certaines contrées isolées : on revint à des idées moins exclusives, et l’opinion de saint Grégoire paraît avoir dominé au quatrième concile de Latran, en 1215, lorsque l’on régla définitivement ce point longtemps controversé de discipline ecclésiastique.

Au courant des siècles, selon les exigences complexes de la politique, la cour de Rome, qui si souvent, avait besoin d’être protégée par les petits souverains dont elle était entourée, céda sur plus d’une alliance que ses principes interdisaient. Tous les hommes étant égaux devant Dieu, on ne put refuser aux seigneurs, aux bourgeois, aux artisans, ce que l’on avait bénévolement accordé à des princes; les dispenses se multiplièrent, et les prescriptions du concile de Latran ne furent plus réservées que par les formalités dont on en entourait l’abandon. Est-ce la société civile, est-ce l’église qui a eu le plus de sagacité en ceci? Grave question qui partage les esprits

  1. Le quatrième degré canonique correspond au huitième degré civil et comprend les enfans des cousins issus de germains.
  2. L’expérience montre que par de telles unions la lignée ne peut s’accroître.