Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’année et ramène la crue du fleuve, l’étoile dont l’apparition à l’horizon oriental annonce le reverdissement de la campagne et le retour de la richesse. Hathor personnifie donc excellement le beau, l’ordre et l’harmonie; c’est par elle que tout se renouvelle et que tout dure. Elle correspond à la fois aux aphrodites Uranie, Demeter et Génitrice des Grecs. Un des parèdres de la triade mystique de Dendérah était Hors-sam-ta-ui ; il personnifie, comme Eros, fils d’Aphrodite, l’amour, le désir et l’ardeur; le sistre qu’il tient à la main exprime les idées de mal vaincu, de purification, mais aussi de désir de voir, de connaître, de posséder le beau. Est-il besoin de faire remarquer qu’une différence profonde sépare le culte d’Aphrodite et d’Eros du culte égyptien d’Hathor? Les unes sont des divinités sensuelles, présidant à la fécondité charnelle, l’autre représente et satisfait un besoin plus noble. Hathor est avant tout la notion et la personnification du beau.

L’auteur du livre de Isidi et Osiridi (attribué à tort à Plutarque) s’exprime ainsi : « Isis est dans la nature comme la substance femelle, c’est l’épouse qui reçoit les germes fécondans. Platon dit qu’elle est le récipient universel, la nourrice de tous les êtres... Elle a un amour inné pour le premier être, le souverain de toutes choses, qui est le principe du bien ; elle le désire, le recherche, et repousse le principe du mal... Elle a une inclination naturelle pour le bien, elle s’offre à lui pour qu’il verse dans son sein les influences actives et lui imprime sa ressemblance; elle éprouve une joie et un tressaillement indicibles lorsqu’elle sent en elle les gages certains d’une heureuse fécondité. » Ainsi, de même qu’Hathor est le beau, Isis est une des formes du bien, Isis, identique à Hathor, sera donc, d’une manière générale, le bien identique au beau.

Dans toutes les chambres du temple de Dendérah, le roi fait à Hathor d’un côté, à Isis de l’autre, l’offrande d’une petite statuette de la Vérité; mais dans le sanctuaire, le roi invoque Isis et Hathor comme étant la Vérité elle-même. Elles ne sont donc plus seulement le bien et le beau, elles sont aussi le vrai. L’intention philosophique est indubitable. Ce ne peut être par un effet du hasard que, dans toutes les chambres et toujours à la même place, le beau, le bien et le vrai sont réunis dans un même tableau et confondus dans un même personnage qui est la divinité du temple. Il est impossible de ne pas considérer ce temple lui-même comme résumant, sous le voile de la divinité locale et de ses attributs, les trois principes de toute philosophie : le beau, le bien et le vrai. Faisons un pas de plus. De même que le petit temple d’Osiris est le complément matériel de l’édifice, de même le dieu Osiris et les idées qu’il symbolise forment le complément des idées morales symbolisées par le culte