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clairs, prolixes même; le sanctuaire s’ouvre, les dieux descendent de leurs nuages avec leurs cortèges d’attributs ; quelle que soit la richesse des documens, on ne tarde pas à en saisir le fil, les chambres livrent tous leurs secrets, le temple s’illumine ainsi de ses propres clartés, on en comprend l’esprit, on peut en éclaircir le mystère. Il est possible toutefois que le temple d’Abydos réserve aux savans interprètes de l’avenir d’intéressantes surprises, et révèle un sens plus précis par l’étude de textes méconnus ou incompris aujourd’hui. Quant à présent, il faut bien avouer qu’il a trompé toutes les espérances. La disposition en est étrange, et l’on ne peut même reconnaître la divinité qui y était principalement en honneur.

Si nous remontons encore le Nil, nous découvrons, vers le coude qu’il forme à sa sortie de Qéneh, près de l’emplacement de l’ancienne Coptos, sur la rive gauche du fleuve, le fameux temple de Dendérah (Tentyris], que l’on regardait, avant Champollion, comme un des plus anciens édifices des âges pharaoniques, et qui date cependant des derniers Ptolémées, de Cléopâtre, de Césarion, fils naturel de César, et ne fut achevé que sous Tibère; on y trouve même les cartouches des empereurs jusques et y compris Antonin le Pieux. Cette erreur des membres de la commission d’Egypte, bien explicable à une époque où la clé du déchiffrement n’était pas encore trouvée, témoigne du moins de l’immutabilité apparente de ce peuple, puisque ni la perte de ses rois indigènes, ni deux siècles de domination persane, ni trois cents ans d’occupation grecque n’avaient pu altérer le caractère général et la décoration de ses temples, et que rien n’indiquait aux visiteurs non initiés s’ils avaient affaire à un édifice des plus anciens ou des plus bas temps. En présence du temple de Dendérah, l’attribution chronologique flottait indécise dans une période de deux mille ans. Aussi la première visite qu’y fit Champollion, le 24 novembre 1828, fut-elle une divulgation des plus imprévues pour le monde savant et pour le public.

Remontons encore le Nil en laissant le temple de Dendérah à droite, Qéneh et Coptos à gauche, et arrivons à Thèbes. Pour se rendre bien compte des fouilles accomplies dans les différens quartiers de cette ville et de sa nécropole, il est nécessaire d’exposer sommairement la topographie des points où furent ouverts les chantiers. Thèbes a été bien mal nommée la ville aux cent portes, car, n’ayant jamais eu d’enceinte, elle a bien possédé sans doute des portiques, comme celui de Ptolémée Évergète, des portes servant naturellement d’entrée aux palais et aux temples, mais elle n’en a jamais eu une seule donnant accès à la ville. La capitale de la Haute-Egypte se composait de deux parties distinctes, séparées par le Nil : sur la rive droite est la ville des vivans; sur la rive gauche la ville des morts. Les édifices de la première se groupent autour de deux villages dont les