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sein de la mort même, troubler la sérénité de son âme ni l’arracher au souvenir présent de la terre qu’il vient de quitter pour toujours. Combien tout cela est loin des idées que nous avaient laissées dans l’esprit nos auteurs classiques, sans en excepter les éloquentes erreurs de Bossuet ! — Une des plus précieuses découvertes faites dans les tombes de Saqqarah fut la nouvelle liste de cinquante-huit rois commençant par Ramsès II et s’élevant jusqu’aux premières dynasties.

Pour trouver d’autres chantiers importans, il faut remonter le Nil, franchir toute la moyenne Égypte, laisser le Fayoum à droite, passer devant Girgeh, Soadj, et débarquer sur la rive gauche à Bellianeh. A trois lieues du fleuve, on arrive au Mastabat-el-Madfouneh; c’est là que sont les ruines d’Abydos et l’emplacement présumé de This, la plus ancienne ville de l’Égypte, résidence de Mènes, le premier de ses rois. Il s’agissait surtout, à Abydos, de dégager les monumens de l’inondation des sables qui les cachaient, au point qu’on pouvait descendre de cheval sans s’apercevoir qu’on avait mis le pied sur le toit du temple. Les travaux commencèrent en 1858. Abydos comptait trois temples : au sud celui que Strabon appelle à tort le Memnonium, et qui n’est autre que le grand temple de Séti Ier, fouillé par M. Mariette; un peu plus loin, le temple de Ramsès II, tout à fait ruiné, mais qui a donné la première liste royale d’Abydos, aujourd’hui à Londres; le troisième est situé plus au nord. On le devine à sa vaste enceinte de briques crues, mais on n’en a rien pu tirer. C’est là qu’était le principal sanctuaire d’Osiris, honoré d’un culte universel en Égypte et qui, pour les peuples de la vallée du Nil, jouait le même rôle que Jérusalem et le saint sépulcre pour les chrétiens, puis la nécropole, mine inépuisable de monumens pour le musée de Boulaq. Le grand édifice religieux de Séti est aujourd’hui déblayé en entier. Il appartient à une seule époque et même à un seul règne; mais, lorsque M. Mariette eut sous les yeux pour la première fois le majestueux ensemble d’un temple de la belle époque pharaonique, il reconnut qu’à part une importante série de tableaux représentant l’apothéose du père de Ramsès II et une seconde liste royale, le reste ne nous apportait aucune révélation importante. Quand on compare surtout la banalité des textes qui décorent ces murs avec les documens si intéressans que nous fournissent les temples ptolémaïques sur le dogme et le culte de l’Égypte, il faut se persuader que les édifices pharaoniques devaient être intentionnellement mystérieux, car ils ne donnent aucun renseignement précis ni sur leur destination propre, ni sur le caractère des divinités qui y étaient adorées, ni sur les cérémonies qui y étaient célébrées. Tout y est fermé, le dogme y est sous-entendu, le sens religieux obscur ou caché. Dans les temples de la période des Lagides au contraire, les textes sont abondans,