Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trant, vit le sol jonché de feuilles du même métal, il en retira une centaine de statuettes en pierre dure, en calcaire, en terre cuite émaillée; le premier sarcophage, en pierre, en cachait un second en bois, qui en couvrait un autre encore. Ce dernier enlevé, on vit la partie supérieure ou le couvercle d’une grande boîte de momie à tête humaine, visage doré, sans urœus. Sur la poitrine était tracée cette légende : « voici Osiris-Apis, celui qui réside dans l’Amenti (le paradis); voici le Dieu grand, le seigneur éternel, le dominateur à toujours. » Quand ce couvercle fut écarté, on trouva un énorme monceau de détritus noirs, moulé dans la forme de la cavité où il était logé. La tête du taureau était absente, mais on y reconnut une matière bitumineuse, encore très odorante, et qui tomba en poussière au contact de la main; elle entourait une quantité de petits débris d’ossemens de bœuf intentionnellement brisés avant l’ensevelissement. Parmi ces restes étaient quinze statuettes bucéphales et les fameux bijoux, merveilleux spécimens d’orfèvrerie qui datent de trente-quatre siècles. Il faut examiner ces objets à la loupe, sous la vitrine du Louvre, et surtout l’épervier d’or et d’émail aux ailes éployées et à tête de bélier; cette tête a une finesse de modelé, une perfection de détails, dignes du ciseau d’un Cellini.

L’art égyptien ne saurait être considéré au même point de vue que les productions plastiques des Grecs, car il n’était, à l’époque des Ramsès du moins, qu’un instrument docile au service de la pensée théocratique ; sa mission unique consistant dans l’interprétation du sentiment religieux, il devait se borner à traduire des symboles. L’écriture n’étant d’autre part que la représentation d’objets matériels et procédant des arts du dessin, ceux-ci devinrent fixes et immuables comme elle. Le perfectionnement y fut interdit; toute aspiration de l’artiste, sorte d’hiérogrammate, vers l’idéal eût été tout à la fois une dérogation aux conventions alphabétiques et une atteinte portée à la religion. L’observation des formes sacrées étant imposée à tous, à peine le ciseleur pouvait-il s’écarter de ces lois inflexibles dans les plus menus détails, et encore, un sens mythique étant attaché à ces petits objets, la disposition, le caractère, le contour, y demeuraient-ils conventionnels. Si le dessin général de l’épervier du Louvre, par exemple, est imposé à l’orfèvre par le formalisme religieux, on lui abandonne du moins le travail de la tête de bélier; dans ce domaine ainsi limité, son burin peut s’exercer librement et rendre les accidens de la nature avec toute la fidélité dont une observation fine et une grande habileté de main le rendaient capable. Au temps de l’ancien empire, sous la IVe dynastie par exemple, il s’en faut de beaucoup que les arts d’imitation aient été asservis à des règles aussi étroitement exclusives; ils ont pro-