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documens historiques sans analogue dans le monde; mais le signal d’alarme est donné, le soleil se lève! On n’a que le temps de regagner l’entrée, de la dissimuler avec soin et d’aller au-devant des officiers, auxquels on fit ce jour-là bon visage.

Le 19, six jours après la grande découverte, arrive une lettre du consul-général : les monumens déjà exhumés, au nombre de cinq cent treize, sont libéralement octroyés à la France par son altesse le vice-roi; mais les fouilles demeurent strictement interdites, comme étant « intempestives. » Ce dernier mot était heureusement trouvé, comme on voit! Quant aux cinq cent treize monumens, on se rappelle qu’ils n’étaient plus à Saqqarah; ils étaient en sûreté à Alexandrie en compagnie de deux mille autres. M. Mariette se garda bien de s’en vanter, et ne songea qu’à user de la faculté qui lui était accordée pour en expédier cinq cent treize nouveaux, provenant cette fois, non du dromos et des abords du Sérapéum, mais de la tombe divine dont il venait de prendre possession, et qui lui offrait une incomparable mine de richesses. Pour ce qui regardait l’ordre de suspension des travaux, il ne songea pas un seul instant à s’y soumettre; les officiers d’Abbas-Pacha s’humanisant chaque jour davantage, il put bientôt travailler sans contrainte, avant comme après le coucher et le lever du soleil.

Il découvrit vers cette époque d’autres tombes d’Apis, situées, non dans les galeries communes, mais sous le sable moderne et à la surface du sol antique. Il reconnut que chacune de ces sépultures était composée d’un édicule et, à l’étage inférieur, d’un caveau carré auquel donnait accès une rampe creusée dans le roc. Ces tombeaux isolés étaient d’un âge beaucoup plus reculé que ceux du grand souterrain; on y trouva le sarcophage du plus ancien des taureaux divins connus jusqu’à ce jour : il était daté du règne d’Aménophis III. Cette disposition fut en usage jusqu’à l’an 30 du règne de Ramsès le Grand, époque où l’on commença de creuser la tombe commune découverte le 13 novembre, qui a servi à l’inhumation des Apis depuis Ramsès II jusqu’à Psammétichus. Ce souterrain est composé d’une galerie de 100 mètres de long et de chambres, également creusées dans le roc, s’ouvrant sur la galerie, dans chacune desquelles fut trouvé un sarcophage monolithe, du poids de 60,000 à 70,000 kilogrammes, et muni de son couvercle. Le sol de ces chambres était jonché des statuettes de grands personnages admis à déposer ainsi leur propre image près des dépouilles divines. Une fois les cérémonies funèbres terminées, la chambre était murée pour l’éternité, de sorte que les pèlerins qui venaient dans la suite rendre hommage à Sérapis ne voyaient jamais le sarcophage où les restes du taureau sacré étaient déposés. Vers le temps de Psammétichus Ier, un éboulement s’étant produit