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lui donner. Ce complément, c’est un musée de plâtres. En effet, quoique le musée du Louvre renferme nombre de sculptures de premier ordre, il en est beaucoup d’autres de ce même ordre dans d’autres collections, à Athènes, à Rome, à Naples, à Florence, à Venise, à Mantoue, à Londres, à Munich, à Dresde, à Saint-Pétersbourg, etc. Il y aurait un grand intérêt à réunir, à côté des chefs-d’œuvre que nous possédons en original, des reproductions exactes de ceux qui sont épars dans le monde entier. Or le moulage fournit d’un ouvrage de sculpture une reproduction d’une absolue exactitude, au moins pour l’essentiel, qui consiste non pas dans la matière, mais dans les proportions et les formes. Il n’en est pas ici comme des copies, qui rarement sont bien conformes aux originaux, et qui, le fussent-elles, sont toujours soupçonnées de ne pas l’être. Des plâtres moulés sur des reliefs ou des creux les reproduisent, pour peu qu’on ait mis de soin à cette opération toute mécanique, avec une fidélité qui ne peut être contestée. Considérer des plâtres d’ouvrages de sculpture ou de glyptique (pierres gravées et médailles), c’est donc en quelque sorte considérer ces ouvrages eux-mêmes. Cela étant, quelle utile collection que celle où l’on verrait, traduit dans des fac-similé irréprochables, tout ce qui nous a été conservé, mais qui est disséminé de toutes parts, de chefs-d’œuvre de la sculpture en marbre, bronze, bois, ivoire! Que de services ne rendrait-elle pas et à l’histoire de l’art et à l’art même !

L’histoire de l’art antique est encore très obscure. Il n’y a dans les musées les plus riches qu’un petit nombre de monumens de cet art dont on puisse déterminer l’époque avec précision; mais qu’on rassemble en un même lieu les reproductions fidèles de ces monumens de dates certaines, qu’on les y range selon l’ordre de ces dates : on aura établi une suite de points fixes, entre lesquels viendront peu à peu prendre leur place historique, d’après l’observation des ressemblances et des différences, les autres monumens, bien plus nombreux, dont l’époque est restée jusqu’ici incertaine. Il en sera de même pour la reconstitution des différentes écoles entre lesquelles on peut essayer à peine, à l’heure qu’il est, de répartir ce qui nous reste des ouvrages de l’antiquité. Ce seraient là, encore une fois, de grands services rendus à l’histoire de l’art; ce seraient de grands services rendus à l’art lui-même, à qui l’on offrirait non-seulement un plus grand nombre d’œuvres propres à enseigner et à inspirer que n’en contient aucune réunion d’originaux, mais des occasions et des moyens de comparaison propres à rendre délicates et plus justes la perception et l’appréciation de la beauté. Ajoutons que, dans un musée de plâtres tel qu’il devrait être, on ne se bornerait pas, comme on l’a fait jusqu’à présent dans des collections de ce genre, aux statues, aux bustes, aux bas-reliefs ; on leur adjoindrait les monumens de plus petites dimensions, mais souvent tout aussi im-