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marquans de la Grande-Bretagne. Les administrateurs à qui l’on confie de si grands pouvoirs n’ont tenu le plus souvent que des postes secondaires dans le gouvernement de la métropole. Ceci devient évident, si l’on veut bien passer en revue les noms des vice-rois qui se sont succédé à Calcutta depuis vingt ans. Une courte notice sur les œuvres et les tendances de chacun d’eux est d’ailleurs nécessaire pour faire voir dans quel sens marche la politique britannique en Asie.

Lord Dalhousie, dernier gouverneur de la compagnie des Indes, conserva ces fonctions plus longtemps que l’usage ne l’admettait, de 1848 à 1856. Il eut donc le temps de faire beaucoup de choses et même de grandes choses, bien que souvent avec peu d’ à-propos. Il eut le tort surtout d’adopter une politique d’annexion à outrance, qui paraît, en mécontentant les natifs, n’avoir pas été étrangère à la révolte de 1857. Ancien président du board du commerce sous le ministère de Robert Peel, il avait contribué au développement des chemins de fer dans la Grande-Bretagne, et voulut introduire aux Indes ce puissant instrument de travail. En somme, ce fut un administrateur ardent, parfois présomptueux, qui engagea plus d’affaires que ses successeurs ne devaient en résoudre.

Quand même lord Canning eût eu le même esprit d’initiative, les circonstances ne lui permettaient pas de marcher aussi vite. A peine s’était-il installé dans son palais de Calcutta, qu’éclatait la révolte des cipayes. Les provinces du nord-est furent en proie à la plus formidable insurrection. C’était l’existence même de la domination anglaise dans l’Inde qui se trouvait mise en question. Lord Canning eut, dit-on, le mérite de ne jamais perdre courage ni désespérer du succès. Après la soumission des rebelles, il eut la lourde tâche de reconstituer le pays. Un tel soulèvement s’expliquait mal par les causes secondaires auxquelles quelques-uns le voulaient attribuer. On ne pouvait croire qu’il eût suffi de cartouches enduites de graisse de porc pour justifier l’insurrection des cipayes. C’était dans l’état social du peuple, dans les préjugés plus ou moins légitimes que l’administration anglaise avait fait naître, qu’il fallait rechercher l’origine du mécontentement des indigènes. Cela étant, pour prévenir le retour de semblables malheurs, il était nécessaire de s’occuper des populations plus que par le passé, de relever leur moral par l’éducation, d’assurer leur bien-être par de bonnes lois, de leur rendre la vie facile par des travaux d’amélioration. Ce fut l’œuvre commencée par lord Canning, continuée d’abord par lord Elgin et ensuite par sir John Lawrence.

Lord Elgin, dans une carrière bien remplie, a presque toujours servi son pays au-delà des mers; soit comme gouverneur constitutionnel du Canada, soit comme ambassadeur en Chine, en collabo-