Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ecclésiastiques, la loi sur la presse, peut-être une loi électorale, modifient cette situation d’ici aux élections de 1877, admettons même que cela est probable ; mais aujourd’hui, en face d’une majorité composée de divers groupes unis sous l’autorité d’un homme exceptionnel, se trouve une minorité considérable, également composée de divers groupes qui mettent en commun leur haine pour l’empire. Une majorité de circonstance, une minorité irréconciliable, voilà le parlement d’Allemagne! Tant que durera l’état actuel, la véritable politique est impossible dans le nouvel empire, ou, pour mieux dire, l’empire n’est pas achevé.

Attaquer résolument, le principal groupe de ces irréconciliables, celui des ultramontains, et le dissoudre, telle est donc la nécessité qui s’impose aujourd’hui au gouvernement de l’Allemagne; tout nous ramène à cette conclusion fatale, la lutte sans merci entre l’état et l’église. Il faut donc comprendre l’extrême susceptibilité que le chancelier témoigne envers ceux qui prétendent se mêler, même en paroles, à ce grand combat. Il prend pour déclarations de guerre les marques de sympathie qui sont envoyées du dehors à ceux qu’il a désignés pour ses victimes. Il veut que son adversaire sente son propre isolement, et qu’il en soit découragé. Non-seulement il faut comprendre cette susceptibilité, il y faut prendre garde. La presse allemande joue contre nous un jeu perfide. Elle épie chez nous tout acte, toute parole, toute pensée où se trahit la douleur que nos revers ont laissée dans nos âmes, et les dénonce comme la preuve d’une haine qui n’attend que l’occasion de se satisfaire, alors qu’elle-même, plus haineuse que jamais, prodigue à notre pays les insultes les plus grossières. En même temps elle se fait adresser de Paris, sous forme de correspondances, des pamphlets quotidiens qui se ressemblent au point qu’on les croirait sortis de la même officine, et qui présentent au lecteur allemand, avec une audace incroyable dans le mensonge, une France de fantaisie, confite en religion, dévote au sacré cœur, prête à partir en campagne contre Berlin et contre Rome, après avoir reçu la bénédiction pontificale. Ces chimères troublent les cerveaux allemands : pendant la période électorale, ils ont vu les Français partout. Ce ne sont point seulement les candidats ultramontains que les journaux ont accusés de nous préparer les voies : le démocrate M. Sonnemann a été obligé de faire venir de Paris un certificat d’huissier, légalisé par plusieurs magistrats et contre-signe par l’ambassadeur d’Allemagne, pour prouver qu’il n’était point venu à Paris boire dans un banquet démocratique à la santé des conscrits alsaciens qui ont opté pour la France : le certificat, couvert de noms français, a été placardé sur tous les murs de Francfort. Ce sont les mêmes plumes