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ger, Mallinkrodt, Windthorst, à qui les plus grandes colères de M. de Bismarck ne font point courber la tête. Il est fier des succès qu’il a remportés dans la province rhénane, c’est-à-dire dans la partie la plus éclairée, la plus industrieuse et la plus florissante de l’Allemagne. Cette force de résistance du catholicisme a surpris ses adversaires, au point que beaucoup regrettent que l’on ait commencé la lutte; mais tout le monde ajoute qu’il est impossible de reculer et qu’il faut aller jusqu’au bout de la voie mauvaise où l’on s’est engagé. Le clergé ne s’est point soumis aux lois ecclésiastiques votées en mai 1873; le gouvernement de Berlin s’est cru dans la nécessité d’en proposer d’autres qui édictent des pénalités nouvelles, et l’on étudie les moyens de pourvoir à l’administration des diocèses en l’absence des évêques, que l’on enfermera ou que l’on bannira. Il faut s’attendre à voir les évêques continuer la résistance, obliger le gouvernement à les frapper l’un après l’autre : on s’y attend en effet, mais on ne recule pas devant cette extrémité. « Tous les évêchés, dit la Gazette d’Augsbourg, vont devenir vacans, et l’on ne pourra pourvoir à ces vacances... Un plus ou moins grand nombre de cures vaqueront aussi sans qu’on y puisse remédier. Peu à peu le service divin cessera ; le ministère sacré sera en vain réclamé. Si cet état persiste quelques années, il n’y aura même plus de candidats à la prêtrise. Ainsi se prépare en Allemagne une interruption de la vie ecclésiastique... Il est clair que cet état ne peut durer toujours. La question est de savoir qui, de l’état ou de l’église, pourra le supporter le plus longtemps. Déjà l’état a pris ses mesures pour éviter le trouble qu’une telle situation pourrait jeter dans la vie publique ; il a présenté la loi sur le mariage civil ! » Aucune puissance humaine ne peut intervenir dans cette lutte. M. de Bismarck n’a point à craindre d’ennemis du dehors; il y trouverait plutôt des alliés, s’il en avait besoin : c’est un combat en champ-clos qui va se livrer, et personne ne peut dire quelle en sera l’issue. Aussi bien n’avons-nous pas à interroger l’avenir : qu’il nous suffise de constater que les catholiques, comme les socialistes, forment à l’heure qu’il est dans l’empire une nation à part. Ils se sont mis au-dessus des lois, car un des articles de leur programme avoue qu’ils professent envers et contre tous la maxime « qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. » Ils ont donné mission à leurs députés, qu’ils viennent de la Silésie ou du Rhin, de Westphalie ou de Bavière, de représenter « le peuple catholique d’Allemagne ; » enfin l’on trouve dans l’appel aux électeurs rédigé par la ligue de Mayence cette grave parole : « l’unité, chère à notre cœur, est plus que mise en question : elle a péri étouffée dans la guerre qu’un parti puissant a déclarée au tiers de la population allemande. »