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prit de façon à irriter profondément les socialistes. Le procureur-général de Berlin, mis en demeure par l’opinion de prendre des mesures pour assurer la tranquillité publique contre l’audace des criminels de toute sorte qui abondent dans la capitale de l’Allemagne, écrivit le 1er janvier au préfet de police une lettre officielle où, prenant en considération « les progrès de la sauvagerie qui pousse les basses classes à des excès de toute sorte, voisins de la bestialité, » il prescrivit l’incarcération immédiate des malfaiteurs qui maltraitent sans raison les gens tranquilles, se battent dans les auberges, offensent grossièrement la pudeur dans les rues, ou donnent « l’exemple de plus en plus fréquent du mépris de l’autorité » en insultant les agens. C’est en compagnie de ces coquins que le magistrat met les socialistes; il prescrit de les arrêter toutes les fois qu’ils troubleront les assemblées par la violence, attendu que le terrorisme exercé par eux « dépasse toutes limites, et finirait par empêcher les réunions des autres partis. » Cette intervention de la justice n’effraya point ceux qu’elle menaçait : il se produisit de nouveaux scandales dont les libéraux se sont affligés avec raison, car, n’était ces violences, on pourrait dire que dans ces réunions tenues par tout l’empire, où ont été discutées les questions les plus propres à passionner l’auditoire, les Allemands ont usé de leurs droits en peuple mûr pour la liberté.

On pense bien que le gouvernement ne s’est pas désintéressé dans la lutte. Quoiqu’il ait agi avec prudence, quelques fonctionnaires maladroits l’ont compromis par des excès de zèle. Ici c’est un préfet (landrath) qui adresse une circulaire aux maires pour leur expliquer « qu’il est du plus haut intérêt que la circonscription élise un député fidèle à l’empire, décidé à soutenir la politique du gouvernement de sa majesté; » bien entendu, le nom du candidat qui donne ces précieuses garanties se trouve au bas de la missive officielle. Ailleurs un inspecteur des écoles écrit aux instituteurs catholiques de son ressort pour leur déclarer qu’il ne veut pas s’immiscer dans les opinions politiques de MM. les maîtres d’école, mais qu’il espère fermement leur voir prendre parti pour sa majesté l’empereur contre sa sainteté le pape. Une autre fois un préfet reçoit les doléances de communes ruinées par une invasion de souris; les maires demandent une réduction d’impôts, à tout le moins un délai pour le paiement: le fonctionnaire les assure de sa commisération, seulement il ajoute que les élections sont proches, et qu’une commune, après avoir voté pour un ennemi de l’empire, ne pourrait en conscience espérer qu’on prît sa requête en considération. Il faut s’attendre à voir les députés catholiques produire ces faits à la tribune, mais les libéraux ne seront pas à court de réplique ; ils dénonceront comme