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trice et des grands-ducs est enregistrée dans le journal officiel et de là publiée par toute la presse.

Il serait facile de pousser plus loin cette analyse du culte orthodoxe et des mœurs religieuses en Russie. Nous en avons assez dit pour montrer que, sous des ressemblances extérieures, il y a le plus souvent entre l’église gréco-russe et l’église latine des différences importantes, au point de vue moral comme au point de vue politique. L’étude comparée des rites et des pratiques religieuses amène à une conclusion fort éloignée des opinions reçues. On dit d’ordinaire qu’ayant même foi et mêmes traditions, même hiérarchie et mêmes sacremens, les deux églises ne diffèrent que par les rites et les formes. Il serait peut-être plus juste de renverser l’opinion vulgaire, et de dire que c’est par les formes et les rites, par l’extérieur et le dehors du culte que les deux églises se rapprochent le plus, par le fond et l’esprit qu’elles sont le plus loin l’une de l’autre. Nulle part cette différence n’est plus sensible que dans le sacerdoce. Avec même origine et mêmes fonctions, les deux clergés ont dans les deux églises une position et une influence bien diverses. Comme chez les latins, le prêtre est chez les orthodoxes le canal unique et nécessaire des sacremens et de la grâce divine; mais entre le fidèle et lui ni la discipline ecclésiastique, ni les pratiques religieuses n’ont mis le même intervalle qu’en Occident. Le prêtre n’est pas élevé aussi haut au-dessus de l’humanité, il n’est point par l’ordination tellement mis en dehors des laïques qu’il ne puisse, retomber à leur niveau. Les fidèles et le clergé n’ont point deux manières de communier différentes, ils n’ont point deux langues séparées. L’église n’a pas de langue spéciale, de langue à la fois universelle, cosmopolite et cléricale, particulière aux prêtres. Le mariage enfin est le grand trait d’union qui joint le clergé aux laïques; cette seule divergence pratique compense toutes les analogies spirituelles du prêtre orthodoxe et du prêtre catholique. Pourvus de famille et privés de tout chef étranger, les popes ne peuvent former entre eux un corps aussi étroitement associé et aussi distinct de tous les autres. Par cela même qu’elle met moins de distance entre le peuple et le sacerdoce, l’église gréco-russe accorde une plus grande influence aux laïques et à l’état, qui en est le naturel représentant. Chez elle, le caractère mystique, divin du prêtre, est moins continuellement mis en lumière, l’éclat de la religion rejaillit moins sur lui et l’accompagne moins en dehors des cérémonies sacrées. Le clergé a une moins grande part dans le respect imposé par l’église, il se confond moins avec elle, et, pour tout dire, il est moins regardé comme le représentant de Dieu et le roi du temple que comme le ministre et le serviteur de l’autel.