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est entraînée l’église latine, il est encore loin d’arriver aux mêmes résultats. En Russie, les personnes pieuses ne s’approchent de la sainte cène que quatre fois l’an, et chez les plus dévotes la communion mensuelle est plus rare que chez les catholiques la communion hebdomadaire. Les raisons qui diminuent la fréquence de la confession diminuent également celle de la communion. Pour elle aussi, il faut payer, et l’offrande d’usage se renouvelle plusieurs fois; on donne pour les prières qui précèdent et celles qui suivent, on donne au moment même, on donne encore pour se faire inscrire. La rareté de la participation au plus auguste des sacremens de l’église en pourrait augmenter la solennité; l’habitude qui à une époque déterminée conduit en troupe à la sainte table le gros de la nation en diminue l’effet individuel. Une autre raison enlève à la communion quelque chose de la grandeur de son impression sur les âmes. Selon l’ancien rite, l’église orthodoxe y admet les petits enfans sous l’espèce du vin, qui leur est administré au moyen d’une cuiller. A proprement parler, il n’y a donc pas de première communion. Cette solennelle initiation aux saints mystères qu’on environne de tant de crainte religieuse, qui, chez les catholiques et certains protestans, a une si grande influence sur l’enfant, manque aux églises orientales. Par là, non-seulement le sacrement de l’eucharistie en impose moins à l’enfance, habituée à y participer dès ses premiers jours, mais la religion, n’ayant point à la préparer à ce grand acte, perd de son importance dans l’éducation et par suite de son influence sur la vie. La première communion est remplacée par une première confession qui ne peut donner au cœur et à l’imagination la même émotion. Ce n’est point que la communion annuelle ne soit en Russie entourée de préparation et de recueillement; on s’y dispose d’ordinaire par le jeûne, la prière et la retraite. Dans la semaine de carême, où elles s’approchent des sacremens, les femmes les plus délicates observent rigoureusement la sévère abstinence de l’église orientale, dont les hautes classes se dispensent en temps ordinaire. Pendant quelques jours, les femmes les plus élégantes s’isolent du monde et de leurs amis. On y met à la fois plus de solennité et de simplicité que chez nous. On s’enferme, mais on ne fait point mystère du motif. On ne met pas dans ses pratiques religieuses le même mystère, la même pudeur qu’en France. Pour le plus grand nombre, c’est une chose toute naturelle, une habitude respectable à laquelle chacun se conforme, dont on annonce aux autres l’accomplissement. Dans la société russe, on dit à ses connaissances que l’on va faire ses dévotions, et, la chose faite, on en est complimenté dans le monde comme pour une fête ou un événement de famille. La communion de l’empereur, de l’impéra-