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pour les adversaires de l’église romaine; pour l’obtenir, les Slaves de Bohême soutinrent après Jean Huss une guerre terrible, et une des premières mesures des réformateurs du XVIe siècle fut partout de le proclamer. C’est qu’à leurs yeux cette double participation aux saints mystères constituait une sorte de privilège du clergé et relevait d’autant plus au-dessus des laïques, que dans les idées anciennes le sang représentait plus particulièrement la vie. Pour les Orientaux, la communion réduite à l’élément du pain est une communion tronquée en même temps qu’un signe de l’abaissement du peuple chrétien devant ses prêtres. Comme pour encourager les Russes à conserver dans son intégrité le rite eucharistique primitif, le plus vénérable de leurs monumens religieux, Sainte-Sophie de Kief, montre dans ses admirables mosaïques du Xie siècle le Christ présentant à ses disciples le calice en même temps que le pain. De même que le baptême et l’eucharistie, la plupart des sacremens offrent quelques différences dans les deux églises. La confirmation par exemple est bien par les orthodoxes considérée comme un sacrement, un mystère, comme disent les grecs, mais elle n’a chez eux ni le même nom, ni le même rite, ni le même ministre, ni tout à fait le même sens. On l’appelle le sacrement du saint-chrême, et au lieu de l’évêque c’est un prêtre qui l’administre, non point après la première communion, mais, selon l’usage de l’antiquité chrétienne, immédiatement après le baptême. Le sacrement de l’extrême-onction n’a non plus chez les orthodoxes ni le même nom, ni le même emploi. Toutes ces divergences, dont la liste serait longue, peuvent sembler indifférentes ou puériles aux profanes; pour l’observateur comme pour le croyant, elles ont leur importance. Ce n’est point seulement que dans les religions la masse du peuple s’attache surtout au côté extérieur, c’est que sous ces diversités de forme ou de discipline se cachent souvent des différences d’esprit qui altèrent ou modifient l’efficacité religieuse et politique du culte.

Il en est ainsi des deux sacremens par où l’église intervient dans la vie civile, le mariage et l’ordre sacerdotal. Sur l’un et sur l’autre, les orthodoxes sont en théorie d’accord avec les catholiques, et en pratique ils se rapprochent de certaines sectes protestantes. Dans l’église gréco-russe, il n’y a point d’incompatibilité absolue entre ces deux sacremens, dont les latins se sont habitués à regarder l’un comme aussi essentiellement laïque que l’autre est ecclésiastique. Loin que la renonciation au mariage soit la condition indispensable du sacerdoce, l’ordination, en Russie en particulier, n’est communément accordée qu’au lévite pourvu d’une femme, en sorte que c’est le mariage et non le célibat qui ouvre l’accès de l’autel. De telles coutumes peuvent se blâmer, on n’en saurait contester