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— c’est un mot du temps, — sans avoir pu remettre leurs chaperons sur leur tête.

Les Essais de Mathurine font suite aux Caquets de l’accouchée ; ils roulent, comme eux, sur les mauvais tours que « les femmes jouent aux pauvres hommes, » et l’école de la reine de Navarre se continue ainsi en plein XVIIe siècle dans une foule de petits livres[1] où la source gauloise jaillit comme aux meilleurs jours de la gaie science. Les auteurs de ces livres s’inquiètent fort peu de la gloire littéraire. Ils n’écrivent que « pour chasser les humeurs mélancoliques et inciter les rêveurs à vivre de gaité. » Ils y réussissent quelquefois ; le Facétieux réveille-matin égale en plus d’une page les Cent nouvelles nouvelles ou l’Heptaméron, et Verboquet le Généreux dans ses Discours récréatifs ne fait point mentir le sixain qui sert de préface à son volume :

<poemMon livre, si d’adventure Quelqu’un de bonne nature Te demande qui je suis, Dis-lui que je suis un homme Qui son temps point ne consomme En tristesse et en ennuis.</poem>

L’historiette des Trois ivrognes et de leurs femmes peut soutenir la comparaison avec les contes de Henri Etienne. Ces trois compagnons s’enivrent dans une taverne avec « les meilleurs biberons » de l’ordre des frères prêcheurs. Rentrés chez eux, ils se couchent et s’endorment comme les guerriers de l’Énéide, vino sepulti. Leurs femmes conviennent entre elles de leur donner une leçon. « La première commère, dit Verboquet, voyant son mari surpris d’un si profond sommeil qu’on l’eût plutôt écorché qu’éveillé, prend des ciseaux, lui fait une couronne de la grandeur de celle d’un moine, lui mettant le froc en sa tête et le vêtement de moine qu’elle avait emprunté de l’un de ses confesseurs ; elle le laisse en cet équipage reposer jusqu’au matin que le jour commençait à poindre, et que le compagnon, ayant accoutumé de déjeuner, dressa la tête pour demander pâture. La femme, tout étonnée, commence à lui dire : — Comment, monsieur le beau père, vous êtes endormi ! voulez-vous pas aller après ceux de votre religion ? Je le dis pour ce que vos compagnons sont partis, craignant que vous ne demeuriez seul, qui ne

  1. Les livres de cette série sont nombreux ; ils tenaient lieu de nos petits journaux. Voici les titres de quelques-uns, aujourd’hui presque introuvables : Trésor des récréations pour consoler les personnes qui ont été frappez au nez du vent de bise, 1603, in-8o; — la Galerie des curieux, 1646, in-8o; — les Lamentations d’un procureur, 1649, in-4o ; — la Sage folie, 1650, in-8o; — les agréables Divertissemens français, 1654, in-8o; — le Courrier facétieux, 1668, in-8o ; — le Bouffon de la cour, 1695, in-8o.