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montèrent qu’à 30 ou 32 francs, tandis qu’ils s’élevèrent presque partout au-dessus de 40 francs, pour atteindre jusqu’à 50 francs en Alsace. Les marchés du littoral de la Manche et de l’Océan, qui sont en communication facile avec les marchés extérieurs, présentaient le même caractère d’uniformité et de stabilité des prix. La Normandie et la Bretagne, si bien placées pour écouler leurs excédans de récoltes en Angleterre, avaient aussi les prix les moins variables. La Gascogne était dans le même cas, grâce au port de Bordeaux. Tous les autres marchés de l’intérieur subissaient les fluctuations de la production locale. Ceux qui, sillonnés de routes, s’alimentaient dans un rayon étendu, comme le marché de Paris, avaient moins à redouter ces excès. Ceux qui étaient isolés étaient aussi les plus dégarnis en temps de disette, et les plus encombrés quand l’abondance était venue.

Le progrès des communications d’abord, la suppression de l’échelle mobile ensuite, ont eu pour résultat de fondre tous ces marchés distincts en un seul marché général, que le développement du commerce maritime a rattaché étroitement aux principaux marchés des deux mondes. À mesure que les routes de terre, les canaux et les voies ferrées reliaient l’un à l’autre chacun de nos petits marchés, on voyait les prix se niveler peu à peu en devenant plus uniformes dans l’espace et plus stables dans le temps. Sur le marché où les prix étaient plus faibles, la hausse se produisait ; sur les marchés où les prix étaient élevés, la baisse était produite ou la hausse enrayée. Quand venait l’abondance sur un point, le marché n’était plus écrasé, parce que la denrée se portait facilement sur les marchés voisins ; le déficit qui entraînait la hausse provoquait l’appel de la denrée, assurait l’approvisionnement et abrégeait la crise. Rien n’est plus curieux que de suivre la marche des prix extrêmes de disette et d’abondance sur chacun de ces marchés. En Lorraine par exemple, les prix extrêmes des années d’abondance n’ont cessé de s’élever : ceux des années de disette n’ont cessé de décroître. En 1865, année de pléthore, le prix de l’hectolitre de blé n’y est pas descendu au-dessous de 45 à 46 francs. En 1861, année de disette, le prix le plus élevé n’y a pas dépassé 28 francs.

L’expérience des dernières années démontre qu’il n’y a plus aujourd’hui qu’un écart maximum de 3 à 4 francs par hectolitre entre les divers points de notre territoire. Dans les années d’abondance, la Provence, la Bretagne, la Normandie, Paris et le nord ont encore les plus hauts prix ; mais ce n’est plus la Lorraine qui a les plus faibles, ce sont les départemens du centre (Vienne, Haute-Vienne, Nièvre, Allier, Indre, Cher), moins bien dotés de voies de communication, plus isolés par conséquent que ne l’est aujourd’hui la Lorraine. Les prix de Marseille n’ont pas subi de modification sensible.