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ces chiffres sont des expressions numériques qui ne peuvent servir de base à aucune comparaison vraiment sérieuse. Ces prix moyens, formés de chiffres extrêmes, sont toujours au-dessus des prix réels. Les écarts dans le sens de la hausse se produisent surtout lorsque le marché n’est plus alimenté par la production locale. Ce sont les grains du commerce et surtout ceux qui proviennent de l’extérieur qui bénéficient des hauts prix : ils n’entrent que pour une très faible part dans la consommation, et ils pèsent d’un grand poids dans le calcul de la moyenne.

Il ne serait pas difficile de démontrer que les variations de prix sont d’autant plus rapides et étendues que le marché est plus restreint et plus isolé, — que les formidables écarts qui se produisent dans le sens de la hausse pendant les périodes de disette impliquent aussi l’avilissement des prix dans les années d’abondance, — qu’enfin, dans un milieu sujet à ces brusques changemens, les prix réels sont nécessairement faibles, au grand détriment de l’agriculture et sans profit réel pour la consommation. En Lorraine, le blé descendait toujours au-dessous de 12 francs l’hectolitre dans les époques d’abondance, et il restait quelquefois plusieurs années consécutives à ce taux, comme en 1824, 1825 et 1826. Il en était à peu près de même dans les Vosges et dans l’Alsace, à 1 franc près ; mais, quand venait la disette, le prix était plus élevé en Lorraine, en Alsace et dans les Vosges que sur aucun autre point de notre territoire. Après 1817, l’année 1847 le prouve encore, les prix de 45 à 50 francs ne s’observent que dans ce coin de la France. Chose étonnante, la partie de ces provinces qui avait les plus faibles prix de l’abondance avait aussi les prix les plus élevés de la famine ; Metz, entre autres, passait alternativement par d’effroyables crises.

Tous les points de notre territoire n’étaient pas exposés aux mêmes calamités. Quelques-uns de nos marchés présentaient même, grâce à leur étendue, grâce à la facilité des communications qui les mettaient en rapport avec d’autres marchés plus ou moins lointains, une remarquable fixité des prix ; mieux approvisionnés dans la disette, moins encombrés dans la pléthore, on y voyait le prix monter beaucoup moins haut dans un cas, descendre beaucoup moins bas dans l’autre. Le marché de la Provence, qui communique avec les échelles du Levant par le port de Marseille, avait surtout ce caractère. En 1822, quand le blé valait de 8 à 12 francs l’hectolitre sur un grand nombre de nos marchés de l’intérieur, il valait de 21 à 22 francs à Toulon, Marseille, Nîmes et Avignon. En 1835, le prix descendit encore au-dessous de 10 francs dans la Meuse, tandis qu’il se maintint entre 19 et 20 francs en Provence. Dans les années de cherté de 1847, de 1855, de 1861 et de 1868, les prix de la Provence furent aussi les moins élevés de notre territoire. En 1847, les prix n’y