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en 1764, bourgade insignifiante en 1811, ville naissante en 1830, Saint-Louis comptait en 1870 plus de 312 000 âmes de population. Un immense flot d’immigration, principalement allemande, a submergé en trente ans la primitive colonie française, dont quelques descend ans figurent encore avec honneur dans le haut commerce et la société élevée du pays. Fondateurs et immigrans ne demandaient pas mieux que de faire du vin ; mais on a vu par quelle politique inintelligente la métropole française cherchait à entraver cette culture. Saint-Louis, même devenu américain, n’avait pas un seul vignoble en 1840. Le centre des vignobles les plus importans du Missouri, Hermann, eut son premier pied de vigne planté presqu’à cette date ; c’était une isabella, qui fut bientôt propagée, en même temps que le catawba, récemment importé de Cincinnati, et dont on fit les premières et très restreintes récoltes en 1848. Séduits d’abord par l’excellence de ce cépage, les vignerons le multiplièrent en tout terrain ; mais la pourriture et le mildew, sévissant sur ce raisin délicat, calmèrent bien vite cet engouement des premiers jours. Heureusement des cépages plus robustes arrivèrent à point nommé pour rendre le courage aux vignerons, et constituer en peu d’années, sur les bords du Mississipi en amont de Saint-Louis, et principalement le long de la ligne actuelle du Pacific and Missouri railroad, un des plus grands centres vinicoles de l’Union, entre les Alleghanies et les Monts-Rocheux. Le nortoris Virginia parut d’abord, importé de Cincinnati et de Virginie vers 1850 ; le concord suivit bientôt en 1855, puis le clinton et les autres variétés qui constituent le fonds des vignobles de la région.

Le succès du Missouri a suscité naturellement à cet état de nombreux imitateurs : l’Indiana, l’Illinois, ont largement étendu leurs plantations de ce genre ; le Kentucky, le Tennessee, l’Arkansas, l’Iova, la partie sud-est du Michigan, suivent plus lentement cette impulsion : en somme, le vaste bassin du Mississipi et surtout de ses affluens le Missouri et l’Ohio semble devoir être dans sa région moyenne un champ indéfini de production pour la vigne, comme il l’est déjà pour les céréales et les pâturages[1].

  1. En 1858, un rapport de M. Erskine adressé au gouvernement anglais indiquait comme suit en acres l’étendue respective des vignobles dans certains états : 3 000 dans l’Ohio, 500 dans le Kentucky, 1 000 dans l’Indiana, 500 dans le Missouri, 500 dans l’Illinois, 100 dans la Géorgie, 300 dans la Caroline du sud, 200 dans la Caroline du nord. La récolte totale en vin des États-Unis est évaluée dans le même document à 2 millions de gallons. D’après les documens officiels cités par M. Isidor Bush, voici quelle aurait été la progression de la production totale des États-Unis dans les trente dernières années : en 1840, 124 734 gallons, en 1850, 221 249, en 1860, 1 860 008, en 1871 au moins 14 millions de gallons. (Isidor Bush, American. Weinbau und Weinhandel in Wielandy, erster Deutscher Jahresbericht der Staats-Ackerbehörde von Missouri, Jefferson-City, 1872.)