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Voici d’abord comme espèce le vitis labrusca de Linné. On peut en avoir une idée par l’isabelle et le catawba. Ses larges feuilles sont tapissées en dessous d’un duvet ras, de couleur fauve ou blanchâtre ; ses raisins, à gros grains, ont tous le goût de cassis ou de framboise dont nous avons parlé. Vient ensuite le vitis œstivalis de Michaux, summer grape ou raisin d’été des Américains. Les feuilles, très variables de forme, n’ont de duvet floconneux que sur les nervures ; les raisins, à petits grains, plus ou moins acides, n’ont pas le goût de cassis des labrusca. Très rapprochées par les caractères, peut-être simples variétés d’un même type, les vitis cordifolia et riparia ont, comme les raisins d’été, de petits grains avec ou sans goût de cassis ; les feuilles portent à peine quelques poils sur les nervures, ou bien sont pubescentes à la face inférieure, mais sans duvet feutré ni floconneux. Le mustang, ainsi nommé du nom indien d’un cheval sauvage, est une vigne du Texas très remarquable par sa vigueur, par ses feuilles couvertes en dessous d’un feutre blanc, d’où le nom de vitis candicans. Véritable bourreau des arbres, qu’elle étouffe sous ses innombrables rameaux, cette espèce a de gros grains à pulpe blanche ou rouge de sang, et fournit, grâce à l’addition de sucre, un vin corsé, très coloré, estimé dans le pays, mais peu connu au dehors. On en compte, paraît-il, cinq variétés. La fertilité de cette vigne est telle qu’un pied âgé de huit ans a donné jusqu’à 204 litres de vin. Probablement réfractaire au phylloxéra, le mustang serait à ce titre un excellent porte-greffe pour nos cépages d’Europe.

Plus curieuse encore, plus fertile, plus remarquable à tous égards, est une autre vigne des états du sud, la muscadine, appelée par les botanistes rotundifolia ou vulpina, et dont la variété principale porte le nom de scuppernong. À l’état sauvage, elle s’élance au sommet des plus grands arbres ; cultivée, elle couvre d’immenses berceaux et prend des proportions si gigantesques que l’on en cite certains pieds comme des merveilles de puissance de végétation. Tel est par exemple le pied historique de l’île Roanoke, sur la côte de la Caroline du nord, planté par les premiers colons du pays, et qui, après deux siècles, couvre de ses rameaux une acre[1] entière de superficie. On en cite un autre dans la Caroline du nord, chez le père du colonel Carrow, dont l’étendue superficielle est de 2 acres. Le bois de cette espèce est dur, l’écorce adhérente et sans stries, les feuilles sont petites, arrondies, luisantes, dentelées, mais sans lobes ni découpures : les grains, peu nombreux dans chaque grappe, sont gros avec une peau très dure ; ils se détachent un à un à mesure qu’ils mûrissent, de telle sorte que la récolte s’en fait sur des toiles placées à terre et d’une manière successive comme pour les olives

  1. L’acre est de 40 ares 4 centiares.