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qui figurent au début de cette capitulation de Carthagène, consentie par un pouvoir qui prétend représenter l’unité nationale : « considérant la défense héroïque de la place et les propositions faites par la junte révolutionnaire, » vous imaginez-vous l’analogue de ces mots ici, en France, dans ce pays resté fier qui cherchait à ressaisir son existence menacée par les ennemis du dehors et les barbares du dedans ! Ces conciliateurs trouvent que c’est se placer au sein d’une logique trop rigoureuse que de ne pas traiter avec ce qui existe, et possède une puissance capable de nuire. Ils ne voient pas que le refus de transiger était affaire de morale, de salut même, nullement l’effet d’une politique entêtée d’un principe trop absolu !

La violence irréligieuse de la commune de 1871, digne fille de la commune de Chaumette et des profanateurs d’églises, des violateurs de tombeaux de 1793 et 1794, s’est manifestée par de tels témoignages sanglans et ignobles qu’il serait superflu d’en chercher d’autres preuves, s’il pouvait être indifférent d’étudier sur pièces les sentimens, les dires, les préjugés même des foules humaines. C’est le nuage où l’orage s’amasse ; c’est de là qu’à un moment inattendu partira tout à coup l’éclair. L’enquête nous livre les pièces parfois dignes de l’histoire en amenant devant nous les témoins eux-mêmes, en publiant des documens d’une réelle importance ; les papiers des mairies nous donnent la chronique vulgaire, saisie sur le vif dans ces propos qui laissent échapper le fond des cœurs. Avec quelle avidité sont accueillies les rumeurs les plus odieuses, les nouvelles les plus invraisemblables des prétendues horreurs découvertes dans les sacristies ! Plus d’une fois dans ces lettres, qui sont comme les cahiers des vœux d’une certaine classe, l’idée d’abolir les représentans du culte se fait jour. Une d’elles demande que les prêtres soient désormais assimilés « aux devins et aux sorciers. » La foule applaudit à ceux qui décrochent les crucifix des murs des écoles. Une colère née de grossières préventions explique déjà les horribles scènes qui suivront. Tel mot met sur la voie du massacre de pauvres religieux désarmés, de la persécution des sœurs de charité et des frères de la doctrine chrétienne. Il est difficile de ne pas se dire que c’est là un fait nouveau dans des masses aussi nombreuses, fait qui ne s’explique plus, comme en 1793, par les rancunes et les représailles contre un clergé inféodé aux abus, puisque le clergé sort du peuple, vit d’un modique salaire, simple d’habitudes et de mœurs, touchant au peuple encore par l’éducation de ses enfans, par les secours de la charité. Ses dogmes, ses pratiques, il a cessé de les imposer. Enfin en ce moment même on le voyait dans les hôpitaux et sur les champs de bataille faire son devoir avec une simplicité héroïque et touchante. Jamais donc haine ne fut moins motivée par les circonstances ; la politique même ne pouvait