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même, au bout de cette orgie, put ne leur apparaître que comme un suicide facile dont la balle d’un soldat supprimait les préparatifs pénibles et les souffrances morales ; mais, s’il se rencontra de ces téméraires, prêts à jouer le tout pour le tout, le vice eut aussi ses prudens calculateurs, peu soucieux de s’exposer à de tels risques : gens excellens pour la parade et nuls pour les effets. La commune ne fut pour ceux-ci qu’une sorte de bal masqué terminé brusquement par des accidens fâcheux. Ils recommenceraient volontiers dès demain la joyeuse aventure.

À qui la faute, demande-t-on, si de tels vices se sont montrés ? La corruption qu’ils supposent est-elle l’œuvre de la commune ? De tels désordres se faisant jour soudainement n’ont-ils pas été le contre-coup d’un mal antérieur ? Quelle classe en était exempte quand l’insurrection éclata ? Et nous souhaiterions fort que l’on n’eût ici à parler qu’au passé. Combien il s’en fallait que dans la classe ouvrière les habitudes morales se fussent mises en rapport avec le gain matériel ! Les exigences s’étaient accrues, et dans quelle mesure ! au-delà des moyens. Par un effet habituel d’une élévation trop brusque des salaires, autant que par la suite du mauvais esprit qui régnait, les folles dépenses avaient trouvé dans l’augmentation subite des ressources plus d’encouragement que l’esprit d’épargne. L’habitude de consommations trop larges, souvent grossières, parfois aussi plus raffinées que ne l’eût permis une juste appréciation de sa situation, était prise dès longtemps par la portion de la classe ouvrière qui avait profité au développement des grands travaux. En commentant à sa façon, toujours un peu pessimiste, les papiers de la commune, M. Dauban accuse aussi, sans qu’on puisse le soupçonner assurément de vouloir faire par là sa cour aux ouvriers, qu’il malmène fort, une énorme part de responsabilité des classes élevées et moyennes. Il a raison dans le fond, quoiqu’il ait beaucoup trop chargé ses tableaux en ce qui touche la bourgeoisie. Les classes hautes et moyennes, j’en demande pardon à nos Juvénal, n’ont à aucune époque déployé plus de vertus de travail et de famille. Reste une minorité trop nombreuse dans laquelle la passion de paraître et l’amour des jouissances n’avaient fait que trop de ravages. Ce n’est pas d’hier qu’on dénonce ces appétits éveillés outre mesure ; le goût de l’aléatoire, le jeu, la spéculation qui veut les profits faciles, comme les ouvriers veulent les salaires faciles, ce sont là aussi des défauts qui appartiennent aux rangs plus élevés, et, en parcourant les mêmes papiers, on pourra voir, sans que nous nous croyions chaque fois tenus de le dire, quelle part leur revient dans cette revue des vices, qui pourrait être trop aisément celle des sept péchés capitaux.

La vanité, n’est-ce pas là un vieux défaut national ? N’est-ce pas