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deur se répand sur ces actes qu’ils avouent hautement. Paris qui brûle, c’est Moscou qui s’allume : spectacle plein de beauté, « la Seine est en feu, et dans ces ponts qui apparaissent d’une blancheur éclatante, on la voit, miroir immense, refléter ses bords enflammés. Les flammes irritées semblaient se dresser contre Versailles et dire au vainqueur rentrant à Paris qu’il n’y retrouverait plus sa place, et que ces vastes monumens monarchiques n’abriteraient plus de monarchie. » La même teinte de sublimité se répand sur les hommes. La figure et la mort des principaux personnages deviennent, peu s’en faut, grandes comme l’antique. « Le soleil se couchait, nous dit le même narrateur. Delescluze, sans regarder s’il était suivi, s’avançait du même pas… Arrivé à la barricade, il gravit les pavés. Pour la dernière fois, sa face austère, encadrée dans sa barbe blanche, nous apparut tournée vers la mort. Tout à coup il disparut, il venait de tomber comme foudroyé sur la place du Château-d’Eau… Ce fut sa récompense de mourir pour la révolution les mains libres, au soleil, à son heure, sans être affligé par la main du bourreau. » Voilà la note de ces récits. C’est l’apothéose préparant la revanche. N’aurons-nous rien à dire ? Répondre méthodiquement à ces apologies, qui ont pour pendant des calomnies et des menaces, à quoi bon ? Nos souvenirs ne sont-ils pas là tout vivans et comme frémissant encore ? Faut-il pourtant garder le silence, laisser travestir les faits, intervertir toutes les notions du bien et du mal ? Non certes.

Si peu de valeur historique qu’aient ces plaidoyers, ils ne sont pas dépourvus de toute influence sur une masse indécise, sans principes même en morale, aujourd’hui partout répandue en France et en Europe. Est-ce que notre histoire révolutionnaire n’a pas prouvé plus d’une fois le danger de ces transformations idéales en répandant une sorte d’intérêt sur ce qui en mérite le moins ? Quel serait le meilleur moyen de couper court à ces tentatives de réhabilitation ? Je n’en connais pas de plus efficace que de citer les sources, que de se reporter à des documens émanés, souvent sans aucun dessein de publicité, de ceux-là mêmes à qui on veut faire jouer le rôle de victimes. Pourquoi n’essaierait-on pas de présenter une sorte d’autobiographie morale dont les frais seront faits par les agens et les amis de la commune elle-même ? Les personnages mis en scène seraient le plus souvent obscurs et secondaires ; qu’importe ? ils n’exprimeraient que mieux les sentimens qui animaient la masse, car ils ne songeraient pas comme les chefs à se draper devant le public, ce seraient des témoins naïfs parfois jusqu’au cynisme. Ces enfans terribles n’ont-ils pas coutume d’appeler les choses par leurs noms ? Leur sincérité brutale perce tous les voiles. Bien mieux que les proclamations et les manifestes officiels, elle