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l’embouchure du Pamisus. Le quartier-général s’établit à une lieue de l’armée, près du hameau de Petalidi.

Ibrahim était absent, son kiaja-bey, qui résidait à Modon, se disait malade. C’eût été folie d’espérer que quelqu’un dans l’armée égyptienne oserait entrer en arrangement avec les amiraux sans en avoir reçu l’autorisation du pacha. « Dans trois jours au plus tard, écrivait l’amiral le 31 août, nous devons avoir une décision. » Le 3 septembre, le général Maison n’avait encore reçu aucun avis qui fût de nature à calmer son impatience. Aussi mandait-il à l’amiral de son quartier-général de Petalidi : « Demain je serai entièrement organisé et prêt à marcher. J’espère que vous aurez pu, d’ici là, me faire savoir où vous en êtes avec Ibrahim. » Le 5, nouvelle lettre plus pressante encore. Le général annonce que, pour ne pas perdre de temps, il fait faire au général Sébastiani un mouvement sur Coron avec environ 3 000 hommes. « Je ne veux pas, dit-il, avec les admirables moyens d’action que j’ai en main, me laisser berner par de misérables Arabes. J’agirai vigoureusement contre Coron, et immédiatement après contre Modon et Navarin. Si Ibrahim veut nous tâter, sans fanfaronnade je regarderai cela comme une bonne fortune. Ne priez pas trop cet Égyptien de s’en aller, je l’aurai bientôt dégoûté d’avoir affaire à nous ; mais, je le déclare, une fois le sabre tiré, le sort des armes en décidera seul entre lui et moi. Rien n’égale la bonne disposition et l’ardeur de nos troupes. La garde royale à Paris ne serait pas mieux tenue. Ne pressez pas trop, je vous le répète, le présomptueux Ibrahim. Il recevra, je vous en réponds, une rude leçon, s’il se hasarde à nous combattre. »

L’heure devenait fiévreuse, et d’un moment à l’autre le sang pouvait couler. « Je conçois, écrivait le 9 septembre l’amiral de Rigny au commandant du corps expéditionnaire, ce que vous pouvez éprouver de contrariété de voir échapper ainsi votre proie. Vous la regretteriez moins, si vous la voyiez d’aussi près que je la vois. Je m’empresse de vous envoyer copie de l’arrangement qui vient d’être arrêté définitivement avec Ibrahim. Si l’embarquement eût pu commencer aujourd’hui, tous les transports et bâtimens de guerre présens eussent été chargés après-demain, et nous les aurions immédiatement expédiés pour Alexandrie sous escorte. Je reçois à l’instant des nouvelles d’Égypte du 25 août. La deuxième expédition de transports part le 1er septembre ; elle peut être ici dans cinq ou six jours. » Mais déjà le général Sébastiani est devant Coron ; la frégate l’Amphitrite s’est embossée sous les murs de la place. À cette nouvelle, Ibrahim donne l’ordre de suspendre l’embarquement. « Notre parole est engagée, écrivent à la fois les trois amiraux au général Maison ; nous vous prions instamment de vouloir bien suspendre