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dut renvoyer à Cronstadt, quittait le port de Malte pour aller rejoindre l’escadre française dans l’Archipel. Deux jours après, le 14 avril, la guerre était formellement déclarée par la Russie à la Porte. L’empereur espérait que l’accord des opérations maritimes du Levant n’en serait pas pour cela rompu. Le cabinet de Saint-James persistait, il est vrai, à signaler l’extrême difficulté de régler les mouvemens ultérieurs des escadres combinées par des instructions strictement uniformes ; mais le cabinet des Tuileries, loin d’admettre que la position de la Russie, comme puissance belligérante, fût incompatible avec l’exercice des droits d’intervention établis par le traité du 6 juillet, manifestait le désir de maintenir et d’exécuter les dispositions d’un engagement auquel nulle des trois parties contractantes n’avait cessé d’adhérer. L’empereur pouvait donc espérer que ces nuances d’opinion ne tarderaient pas à disparaître. En conséquence l’amiral Heïden reçut l’ordre « de subordonner constamment l’exercice de ses droits d’escadre belligérante à tout plan d’opérations concertées en commun qui aurait l’exécution du traité de Londres pour motif et pour but. — Il ne faut pas, ajoutait le comte Nesselrode, que le gouvernement turc soit tenté de puiser dans des divergences de système apparentes ou réelles de nouveaux motifs pour persévérer, dans le funeste aveuglement que nous déplorons aujourd’hui. La Russie ne mesurera jamais ses prétentions sur l’étendue de sa puissance. Exempte de toute arrière-pensée, elle n’armera point contre sa cause de résistance légitime, mais elle est décidée à ne jamais reculer devant les obstacles qu’une haine aveugle ou une malveillance injuste essaiera de lui susciter. À force de modération et d’énergie, elle justifiera la confiance dont la France et la Prusse viennent de lui offrir un éclatant témoignage en déclarant qu’elles se plaisaient à rendre justice aux motifs qui lui mettaient les armes à la main. »

Le 7 mai 1828, l’armée russe franchit le Pruth et envahit la Moldavie ; le 5 juillet, elle était à Kustendjé, sur les bords de la Mer-Noire, où la flotte de transports partie d’Odessa venait la rejoindre. La Russie surprenait l’empire ottoman au milieu de sa transformation militaire. Le nombre des troupes nouvellement organisées ne dépassait pas encore le chiffre de 48 000 hommes ; le prince de Servie s’était déclaré neutre et tenait en échec les Bosniaques, le pacha de Scutari rassemblait lentement ses Albanais. Les bataillons réguliers n’avaient à compter que sur le concours des hordes asiatiques ; ces bandes indisciplinées portèrent à 150 000 le nombre des combattans que la Porte parvint à réunir. 30 000 furent opposés aux Russes dans l’Asie-Mineure, 25 000 furent dispersés dans les forteresses qui gardent la ligne du Danube ; un nombre à peu près