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Sublime-Porte et alliées des puissances signataires du traité du 6 juillet 1827, si, au moment où se présente enfin le moyen d’arrêter l’effusion du sang, nous ne nous empressions, M. l’internonce d’Autriche et moi, de vous informer, sans le moindre délai, de l’heureuse résolution prise par le divan. »

Que demandait-on aux amiraux ? D’employer leur influence auprès des autorités grecques pour les déterminer à s’abstenir également, pendant l’espace de trois mois, de toute hostilité contre les musulmans. Cette suspension d’armes ne changeait rien au statu quo ; elle offrait la même somme d’avantages aux deux parties intéressées, et ne préjugeait aucune des graves questions qui étaient l’objet de la sollicitude bienveillante des premiers cabinets de l’Europe. En coopérant à ce résultat, les amiraux alliés se rapprochaient du but que toutes les puissances avaient à cœur d’atteindre ; ils contribuaient peut-être à sauver la paix politique en Europe. « La nature, ajoutait M. Ottenfels, n’admet pas de passage subit d’un état à un autre sans secousse violente. Il en est de même en morale et en politique ; les transitions soudaines sont rarement bienfaisantes. Or la lutte entre les Turcs et les Grecs s’est prolongée trop longtemps et a été accompagnée de trop d’horreurs pour qu’une réconciliation immédiate soit possible. Il faut nécessairement que cette réconciliation soit précédée d’un état intermédiaire. L’état intermédiaire entre la paix et la guerre se trouve dans un armistice. » Les puissances allemandes avaient obtenu, la Porte avait concédé ce que depuis plusieurs mois on ne cessait de solliciter du divan. Malheureusement la concession arrivait trop tard. Les amiraux furent unanimes à reconnaître qu’au point où les derniers protocoles avaient conduit les choses, il ne leur appartenait plus d’intervenir que pour assurer l’exécution des décisions prises par la conférence de Londres. Ce refus en somme était très sensé, et on peut dire que leur brusque droiture leur inspirait, dans cette délicate circonstance, la résolution la plus sage. La suspension d’armes proposée par le divan n’eût pu être considérée comme l’heureux préliminaire de la pacification que si le sultan eût déclaré du même coup son accession entière et définitive à la médiation des puissances alliées et aux autres clauses dont le rejet avait obligé les ambassadeurs à quitter Constantinople. Il n’y avait donc rien de sérieux à se promettre de ce côté. Serait-on plus heureux en Égypte ?

Les premières communications de M. Drovetti, notre consul-général, avaient paru réconcilier le vice-roi avec l’Europe et surtout avec nous. Quelques jours plus tard, un navire arrivant de Candie apportait au pacha l’avis d’une irruption des Grecs dans cette île. L’esprit du pacha en reçut une impression fâcheuse. Rien ne pouvait, suivant lui, justifier les trois amiraux de l’insouciance qu’ils