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I.

Personne ne saurait nier les énormes progrès accomplis par notre agriculture depuis 1820. La marche de la production du blé ne les résume pas tous ; mais elle peut assurément en donner une juste idée. D’après les documens statistiques publiés par le ministère de l’agriculture et du commerce, la récolte ordinaire de blé, qui était de 45 à 46 millions d’hectolitres, semences déduites, en 1820, pouvait être estimée approximativement à 90 ou 92 millions d’hectolitres en 1870 ; elle avait donc doublé dans l’espace d’un demi-siècle. Cette augmentation n’a pas été régulière ; tout le monde sait combien les produits de l’agriculture subissent de fluctuations par suite des circonstances atmosphériques. Il y a parfois des différences de deux cinquièmes dans le produit de la récolte : un cinquième au-dessus de la moyenne dans les bonnes années, un cinquième au-dessous dans les mauvaises ; mais, si l’on fait abstraction de ces cas exceptionnels, on reconnaît que l’augmentation a été sensiblement uniforme et le progrès constant dans les diverses périodes de ce demi-siècle.

Pour doubler ainsi notre provision annuelle de blé, il n’a pas fallu moins que les efforts communs et le concours simultané des propriétaires et des cultivateurs. L’action des propriétaires s’est exercée principalement par des améliorations foncières de toute nature qui ont eu pour effet d’agrandir le domaine de la charrue et de porter à plus de 7 millions d’hectares la surface ensemencée, qui n’atteignait pas 5 millions d’hectares en 1820. Quant aux cultivateurs, ils ont amélioré partout leur mode de culture : ils nourrissent plus de bétail, obtiennent plus d’engrais et produisent de plus belles récoltes. Le rendement moyen du blé, qui n’était que de 10 hectolitres à l’hectare en 1820, est aujourd’hui de 13 à 14 hectolitres, et, dans les bonnes années, il peut même s’élever jusqu’à 15. L’ensemble de ces efforts a déterminé la marche si rapide de la production du blé en France, qui est peut-être sans exemple chez aucun autre peuple connu.

Si vite qu’ait monté chez nous la production du blé, notre consommation intérieure a suivi une marche encore plus rapide. Si nous produisions moyennement 92 millions d’hectolitres en 1870, nous en consommions pour le moins 95 ou 96 millions. C’est à la production étrangère qu’il nous fallait demander un supplément annuel de 3 à 4 millions d’hectolitres. Nous étions ainsi devenus un peuple importateur.

Au commencement du siècle, notre commerce extérieur de blé n’avait, pour ainsi dire, aucune importance. Même en 1817 et sous